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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/64

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atteindre, les allongements ou les raccourcissements possibles de cette ligne sont comme n’étant pas et, à vrai dire, ne sont pas, par la raison mathématique qu’elle ne se rapproche ni ne s’éloigne ainsi de la longueur infinie, seul terme avec lequel elle soit en rapport à défaut de toute autre relation. Tout accroissement de longueur, de vitesse, de densité, de travail, de durée, de vitalité, et aussi bien de désir ou de croyance, doit donc être conçu relativement à une longueur, à une vitesse… à un désir et à une croyance limites et non infinis, c’est-à-dire impossibles. Or cette limite arbitraire et nécessaire qui donne seule un sens et une réalité aux accroissements et aux décroissements des êtres, est marquée par la nature des phases qualitatives que les êtres doivent parcourir en se développant. Sans qualités, il n’y aurait donc point de quantité possible ; sans hétérogène, point de continu. Et la réciproque n’est pas moins vraie. Est-il un naturaliste ou un historien qui, après avoir curieusement noté les caractères successifs d’une évolution vitale ou sociale, puisse s’empêcher de porter un jugement sur le progrès ou sur le déclin qui en est l’accompagnement inévitable ?

Peut-on supposer un monde qui ne contiendrait pas l’opposition du plus et du moins, du progrès et de la décadence, de la composition et de la dissolution ? Oui, il est loisible à la rigueur de concevoir un monde où rien de ce qui est acquis ne peut se perdre, ou jamais un volume augmenté ne diminue, où jamais une vitesse accélérée ne se ralentit, où les pressions, les convictions vont toujours redoublant d’énergie sans jamais s’affaiblir. Mais ne voit-on pas la conséquence fatale de ceci ? La répétition, — sous toutes ses formes :