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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/65

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ondulation ou gravitation, génération, imitation, — deviendrait impossible, et, avec elle, la variation dont elle est la condition indispensable.

Remarquons que, si l’hypothèse d’un monde où tout irait en augmentant sans nulle diminution n’est pas inconcevable, celle d’un monde où tout irait en diminuant sans nulle augmentation a bien plus de peine à se loger dans notre esprit. Cependant il n’est pas plus contradictoire de supposer le passage de l’infini, dans l’extrême passé, à zéro, dans l’extrême avenir, que de supposer la transformation inverse. Reste une troisième hypothèse, chère, on ne sait pourquoi, aux savants qui font de la métaphysique sans le savoir : c’est celle d’un monde où tout ce qui existe réellement - la force, nous dit-on, — demeure et persiste d’une éternité à l’autre sans augmenter ni diminuer en rien. Mais, dans un pareil univers, où la quantité d’existence réelle est réputée immuable, de deux choses l’une : ou il y a des qualités phénoménales ajoutées à la quantité soi-disant substantielle, ou il n’y en a point. S’il n’y en a point, pourquoi telle quantité plutôt que telle autre ? Et quelle réalité peut avoir une quantité qui, ayant pour seule propriété d’être susceptible de plus et de moins, n’augmente ni ne diminue ? S’il y en a, la série des qualités à produire fournit une justification, une détermination suffisante de la quantité qui les produit et les supporte ; mais ces phénomènes qualitatifs, qui saisissent, morcellent, emploient la réalité jugée unique, n’ont-ils donc rien de réel aussi ? Quelque chose de réel se crée, quelque chose de réel se détruit, c’est indubitable, à chaque apparition, à chaque disparition phénoménale.