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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/119

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cernent, ne permettent même pas de deviner où existait la cité dont parlait l’Indien. Mais, en face de nous, sur une sorte de plateau, en apercevait sept temples sans pagodes, ne paraissant pas remonter à plus de cent ans.

Il est bon de dire, en passant, qu’on rencontre dans l’Inde un certain nombre de temples sans pagodes ; les temples avec pagodes sont ceux de la religion nationale, ceux où Brahma est adoré conformément aux vieilles traditions, et où l’on rend honneur aussi à Vichnou et à Civa qui complètent la trinité indienne ; les temples sans pagodes, au contraire, sont ceux d’où le culte de Civa est banni, où au nom de Brahma s’ajoute celui de Lucif et au nom de Vichnou celui de Baal-Zéboub, les fidèles disant avoir une révélation nouvelle et maudissant Civa comme étant le Dieu unique des chrétiens. Les temples avec pagodes sont publics ; ceux sans pagodes ne s’ouvrent qu’aux initiés, leurs cérémonies sont mystérieuses, et dans la plupart de ces édifices on ne pénètre que par un couloir souterrain dont l’entrée située à une certaine distance est toujours bien gardée. Beaucoup d’auteurs appellent « pagode » tout temple indien indistinctement ; c’est là une expression impropre, employée par des écrivains parlant d’un pays qu’ils n’ont jamais vu ; la pagode est une annexe du temple, comme le clocher ou le campanile d’une église catholique ; et, je le répète, c’est par l’absence de pagode que se distingue un temple luciférien.

Les sept temples de Mahatalaa sont élevés sur trois masses de granit, un peu inégales en grandeur, qui forment, par leur situation respective, un gigantesque triangle ; un côté, le plus large, supportant trois temples, va du sud à l’ouest ; les deux autres côtés, supportant chacun deux temples, vont de l’ouest à l’est et de l’est au sud. L’ensemble repose sur un plateau colossal, tout en un seul rocher de dimensions prodigieuses, se dressant dans la plaine à une hauteur d’environ cent pieds au-dessus du niveau de la mer, et cet extraordinaire bloc granitique a une base encore inconnue, attendu qu’on a sondé vainement pour la trouver, jusqu’à deux cents pieds de profondeur.

— C’est là l’entrée, nous dit l’Indien en nous montrant un trou dissimulé par le rocher détaché, qui se tenait en équilibre sur une pointe, et qui était situé au pied du plateau.

Nous pénétrâmes, franchissant un groupe de sicks, gardiens, qui demeuraient silencieux dans la première partie de l’obscur boyau où nous nous engagions. On ne les voyait pas eux-mêmes, car il faisait noir comme dans un four ; mais on les sentait remuer et l’on apercevait quelques lueurs d’acier, témoignant qu’ils étaient armés pour défendre l’accès des temples ; tout intrus, qui se serait aventuré là, aurait été, cela est certain, impitoyablement massacré.