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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/131

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demandais si de telles profanations étaient bien possibles ; et je n’avais encore rien vu !

Le Sanctus fut tourné en dérision, comme le reste :

« — Saint, saint, saint est notre Dieu, glapissait l’officiant, tandis que les deux maîtres des cérémonies agitaient des clochettes. Saint est Lucifer, et Adonaï est exécrable. Adonaï préside à la mort, Lucifer préside à la vie éternelle. Hosannah pour Lucifer au plus haut des cieux ! Béni soit quiconque vient en son nom ! Hosannah pour Lucifer au plus haut des cieux ! »

Au moment de l’élévation, le grand-maître se tourna vers l’assistance, tenant entre ses mains le pentagramme d’or qu’il avait laissé jusque-là déposé sur l’autel devant le phénix. Il est utile de rappeler ici que ce pentagramme est formé de cinq lames de métal qui s’enchevêtrent les unes dans les autres, donnant par leur réunion une étoile à cinq pointes : c’est une étoile exactement formée ainsi qui est placée sur le front du Baphomet, dans tous les aréopages palladiques ; d’autres accessoires de l’idole peuvent varier, cet ornement est un de ceux qui sont partout semblables (voir page 89). Chez les théurgistes, le pentagramme en question porte le nom de « signature de Lucifer » ; c’est ainsi, en effet, que Satan signe, assure-t-on, et quand une messe diabolique lui est particulièrement agréable, il se manifeste par un phénomène reproduisant cette signature.

« — Ceci, fit le grand-maître officiant, élevant le pentagramme au-dessus de sa tête, tandis que tout le monde était tombé à genoux, ceci est le signe de l’alliance entre le Dieu Bon et ses fidèles… Ô Seigneur, toi qui, dans les sphères supérieures, travailles depuis le commencement du monde pour assurer le bonheur à l’humanité, Maître suprême à qui les nations devraient être reconnaissantes dans une unanimité d’hommage et d’amour, seul Dieu aimable devant qui nous nous prosternons, Lucifer, nous t’adorons et nous nous anéantissons en présence du signe sacré que tu nous as donné comme symbole magique de ta divine majesté !… Règne sans partage dans nos esprits et dans nos cœurs ; sois l’unique objet de notre affection, de nos désirs et de notre espérance ; et maintenant que nous voici tous agenouillés, te louant et te bénissant, — il s’était mis à genoux, lui aussi, — maintenant, ô Seigneur notre Dieu, témoigne, visiblement pour nos yeux de faibles mortels, que notre hommage t’est agréable et que tu es bien présent parmi nous… Lucifer ! Lucifer ! Lucifer !… »

Soudain, à cette triple invocation, les lumières de la salle s’éteignirent d’elles-mêmes, et un éclair brilla dans le sanctuaire, zigzaguant en cinq traits qui tracèrent dans l’espace, très nettement, la reproduction exacte