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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/148

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dont j’ai parlé plus haut. Toutefois, si nul être humain n’a la faculté de promener en ces parages, sans la permission des initiés, en revanche, les bêtes sauvages et les reptiles y circulent librement, du moins jusqu’à ce Temple du Feu où ils n’ont qu’à entrer, mais sans aller au delà ; car l’orifice du couloir qui met le sixième et le septième sanctuaires en communication, est solidement fermé par une lourde trappe toute recouverte de fer. À côté de l’édifice, se trouvent deux vastes magasins où sont entassées les provisions de bois et de combustibles nécessaires pour le feu sacré des nuits rituelles.

Lorsque nous arrivâmes par l’escalier du couloir souterrain, les servants avaient déjà allumé le feu, qui flambait formidable, avec rage, entourant le Baphomet de pierre ; sur le bois qui pétillait, craquait, dans les flammes qui hurlaient en un bruit sinistre, on jetait, pour les raviver encore, des essences, et c’était un crépitement infernal, une échappée de gaz qui brûlaient en se tordant comme des serpents de feu, et de ce foyer s’élevaient vers le ciel, par l’ouverture supérieure du cône, des gerbes d’étincelles et des torrents de fumée, coupés, par intervalles, de reflets sanglants, de zigzags rouges à travers l’espace sombre, dans les ténèbres nocturnes.

Bientôt, les murailles de pierre du four devinrent rouges elles-mêmes, ainsi que le Baphomet du centre qui était incandescent et semblait un colossal démon au milieu de son élément naturel, ricanant au sein de cette fournaise fantastique. Les assistants s’éloignaient autant que possible du foyer, suffoqués, à demi-cuits, se tenant auprès des portes ouvertes qui donnaient sur la campagne.

À un signal du grand-maître, tous se mirent à pousser des cris stridents, incohérents, des clameurs de véritables aliénés, tandis que les maîtres des cérémonies frappaient à tour de bras, et d’une façon désordonnée, sur des gongs suspendus entre des poutres, à l’extérieur du temple. Tout cela faisait un vacarme insensé, et les flammes, qui atteignaient maintenant une hauteur considérable à leur sortie de la fournaise, répandaient une immense lueur d’incendie, qui devait s’apercevoir de très loin.

Cette pratique n’existe que dans le palladisme indien ; je ne l’ai retrouvée nulle part. Elle a pour but, disent les lucifériens de ces contrées, d’attirer les âmes qui vagabondent à travers la campagne, les lumières de ce brasier devant les guider, les conduire autour du sanctuaire, les pousser à s’en rapprocher, en un mot, comme la lueur d’un phare attire les oiseaux. Au contact de ce feu qui symbolise Brahma-Lucif, toutes ces âmes refroidies par la mort et flottantes dans l’atmosphère devaient se réchauffer, revenir à elles-mêmes, et se verser invisibles dans le sein du dieu suprême, esprit et roi du feu.