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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/190

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à la lueur incertaine, mais cependant suffisante pour se conduire, des étoiles reflétées sur le ciel d’un beau noir-bleu.

La grande porte centrale et les deux petites portes latérales étaient absolument fermées. J’hésitai même un instant, je l’avoue. Je récapitulai dans ma tête les termes du balustre palladique, les mots échangés l’après-midi avec le portier. Je considérai plus attentivement le monument ; c’était bien le temple presbytérien que j’avais visité dans la journée. Je ne commettais aucune erreur, je ne m’étais pas trompé de route… La solennité avait-elle été contremandée ?… D’ordinaire, pour les réunions maçonniques, dans ces pays, il y a toujours une porte entr’ouverte, les soirs de séance : on ne fait pas quatre pas, il est vrai, sans se heurter à un frère servant, qui vient vous tuiler aussitôt ; mais enfin on peut entrer, faire ces premiers pas.

J’allais rebrousser chemin, lorsque je me dis, comme poussé par un instinct intérieur :

— Voyons tout de même, je veux en avoir le cœur net.

Je m’approchai de la grille qui précède la façade, et je prêtai l’oreille. Tout de suite, dans le silence de la nuit, j’entendis ce murmure particulier, lointain, mais caractéristique, sorte de bruissement vibratoire qu’émettent les réunions de gens enfermés, et qui traversent en quelque sorte les murs, si épais qu’ils soient, avec le courant d’air qui y existe toujours.

Ce courant d’air, — je le dirai en passant, — est scientifiquement démontré ; l’hygiéniste en tient compte et s’en préoccupe. Si épais et en quelques matériaux que soient les murs d’une maison ou d’un monument, ils sont avant tout poreux, l’air y passe, traverse les pierres comme au travers d’un crible, infiniment petit si l’on veut, mais qui n’en existe pas moins. Ainsi, une maison a beau avoir un mur plein (sans ouverture) exposé au nord, côté d’où soufflent les vents les plus vifs ; elle sera, de ce côté-là, pénétrée par le froid, et cela plus ou moins, suivant la porosité de la pierre ; la maison sera moins froide, si le mur est en granit, que s’il est en moëllon ; ceci est la preuve indiscutable du passage de l’air à travers les murailles.

Ce phénomène, observé et reconnu par la science, peut même, à mon avis, donner la clef de certaines apparitions d’esprits ou démons, dont le corps fluidique, aériforme, éthéré, peut ainsi passer au travers d’ouvertures microscopiques, — comme la fumée d’un cigare au travers d’un mouchoir (si fin qu’il soit), — et que l’on est tout étonné de voir apparaître tout à coup dans des endroits que l’on croyait hermétiquement fermés. Cela explique aussi peut-être comment, dans les évocations en général, l’apparition s’effectue peu à peu, par une sorte d’ombre, de vapeur