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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/194

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pression des deux petits coups, mais que, par contre, il se sent tirer la barbe, par deux fois, assez fort.

La sensation du souffle sur la face est inévitable ; aucun occultiste, dans une séance où le surnaturel se manifeste, n’y échappe ; ce souffle est léger pour les uns, et plus caractérisé pour les autres. Tous les lucifériens italiens savent et disent que Mazzini recevait ce souffle avec l’impression de la présence d’une bouche chaude qui expirait une haleine brûlante sur son visage avec une violence extrême ; c’était un souffle tellement fort, qu’il était obligé de fermer les yeux et qu’il en demeurait un moment comme asphyxié.

Ces phénomènes-là montrent, d’une façon indiscutable, que les démons, en qui les spirites amateurs s’obstinent à ne vouloir voir que des esprits de personnes défuntes, tiennent à prouver matériellement leur présence, afin qu’il n’y ait aucun doute chez ceux ou celles à qui ils font éprouver ces sensations particulières.

Or, ce soir-là, à Singapore, je ressentis toute la série de ces symptômes étranges, avant même de pénétrer dans le temple presbytérien. Évidemment, Satan et ses démons étaient là.

Je n’eus donc plus aucune hésitation, puisque mon but était de voir, de me rendre compte, pour dénoncer plus tard ces choses, quand le moment serait venu. Je frappai à la petite porte latérale de gauche, en maçon du Palladium ; on frappe deux coups, et l’on dit « Caïn » au premier frère qui se présente à vous.

Le servant qui vint m’ouvrir m’introduisit aussitôt, par un couloir, dans le petit parvis précédant la grande salle. La tenue était déjà commencée. Cinq frères et deux sœurs déambulaient dans le parvis, attendant impatiemment les quatre nouveaux venus qui complèteraient le nombre nécessaire pour avoir l’entrée ; moi arrivé, il fallait donc attendre encore trois visiteurs.

J’avais revêtu mes insignes, et je me disposais à aller m’offrir à un tuilage complet, lorsque, me dirigeant vers le couvreur (gardien préposé extérieurement à la porte de la salle des séances), je levai la tête pour voir en face de qui je me trouvais. Une double exclamation échappe, en même temps, au frère couvreur et à moi :

— Crocksonn !

— Le docteur !

— Pas possible, fis-je ; vous ici ?

— Eh ! comme vous voyez, docteur, répondit l’autre, d’un air guilleret.

Le tuilage s’effectua néanmoins, entre nous deux ; il est obligatoire, surtout chez les ré-théurgistes optimates, dont les réunions sont gardées avec mille précautions.