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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/224

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Quand elle eut dit les derniers mots, le grand-maître Spencer prit son bijou (petit poignard), qui était à sa portée, et, de la main droite l’élevant jusqu’à hauteur de l’épaule gauche, il donna un coup en l’air, frappant le vide dans la direction du ciel, et poussant ce cri : Nekam, Adonaï ! nekam !

Littéralement, ces mots signifient : Vengeance, Adonaï, vengeance ! Bien entendu, le sens est : Vengeance contre toi, ô Adonaï !

Tous les assistants, saisissant aussitôt leur bijou-poignard, répétèrent le geste du grand-maître avec le même cri : — Nekam, Adonaï, nekam !

Là-dessus, Spencer et mistress Vandriel se levèrent, reprirent leur place ; le grand-maître frappa deux coups de maillet ; à ce signal, tout le monde fut debout.

Maintenant, miss Arabella devait être parfaitement édifiée, en supposant que son père et la tante Fausta ne l’eussent pas préparée à l’initiation.

Le grand-maître prit la parole, et, s’adressant à la récipiendaire :

— Aimable et parfaite sœur Idouna-Fréki, dit-il, vous avez tout compris, à présent, vous savez tout. Or donc, ratifiez-vous nos doctrines ? Adhérez-vous irrévocablement aux pratiques liturgiques du Rite Palladique Réformé Nouveau ?

— Oui, grand-maître, répondit miss Arabella.

— Vous allez alors prêter votre obligation de Maîtresse Templière.

Le premier grand-maître des cérémonies fit monter miss Arabella à l’estrade. En passant, il prit le calice qui était resté sur le petit autel pentagonal dit autel de la Sagesse, et le remit à mistress Vandriel ; deux autres maîtres des cérémonies prirent le petit autel pentagonal et le descendirent au milieu de la salle, à l’endroit où se trouvait tout à l’heure le Pastos.

Miss Arabella s’agenouilla devant le Palladium, entre le grand-maître et la grande-maîtresse. Spencer lui remit un papier, qu’elle avait à lire ; c’était la formule du serment.

Certes, la fille du planteur était vraiment digne du démon, à qui elle allait se donner solennellement. Ce fut d’une voix résolue, ferme, vibrante, qu’elle prêta l’abominable serment que voici (je le reproduis textuellement d’après le rituel officiel d’Albert Pike) :

« — À toi, Lucifer, je jure respect, amour, fidélité. À toi, Dieu Bon, je jure de haïr jusqu’à ma mort le Mal. À toi, Esprit de Vérité, je jure d’abominer toujours le mensonge, l’hypocrisie, la superstition. À toi, Lumière Éternelle, je jure de combattre l’obscurantisme, fallût-il, dans cette lutte sainte, verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang. À toi, Génie de la Liberté, je jure de m’employer, par tous les moyens, quels qu’ils soient,