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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/225

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à anéantir le despotisme politique et la tyrannie sacerdotale. Et maintenant, ô Lucifer, me voici à jamais ta fille. Je me voue à toi de corps et d’âme, je t’appartiens. Dispose de moi sur cette terre, pour la gloire de ton saint nom. Accepte mon pieux hommage. Éclaire chaque jour plus vivement mon esprit, et fortifie mon cœur. Et, quand sonnera ma dernière heure, tu me trouveras calme et souriante à la pensée des folles terreurs inspirées par les imposteurs aux ignorants crédules, prête à entrer dans ton ciel de feu, séjour de la félicité sans fin, où les flammes divines vivifient et régénèrent. Ainsi soit-il. »

Depuis quelques moments, j’éprouvais les sensations que j’ai décrites plus haut, que j’avais eues avant d’entrer. Lorsque miss Arabella arriva à la fin de son serment, je sentis très nettement les deux petits coups habituels, frappés comme deux fortes chiquenaudes sur mon épaule droite. Évidemment, des esprits infernaux se trouvaient présents dans la salle, mêlés à nous et demeurant encore invisibles.

La grande maîtresse tenait à la main le calice, dans lequel il y avait l’hostie dont elle s’était un moment servie, lors de l’enseignement du Pastos, et qu’elle avait prise dans le tabernacle situé au-dessous du Baphomet. D’après le rituel, ce doit être une hostie consacrée.

Maîtrisons notre indignation ; car nous entrons dans le domaine des plus exécrables infamies.

Mistress Vandriel, toujours assise, parla ainsi à miss Arabella, agenouillée :

— Très aimable et parfaite sœur, le très puissant commandeur grand-maître va vous consacrer Maîtresse Templière. Mais auparavant vous avez à accomplir un acte agréable à notre Dieu… Lorsque le traître Jésus déserts la cause de son père céleste et conclut sur le Mont-Thabor un pacte criminel avec Adonaï, celui-ci lui communiqua, — du moins Jésus s’en vanta-t-il, — le prétendu don des miracles. Pour nous, nous nous ne croyons qu’à ce que nous voyons, et notre raison se refuse à admettre que Jésus ait en, même en récompense de sa trahison, le pouvoir de bouleverser l’ordre naturel des choses. Or, les prêtres affirment que leur Christ a, par un phénomène merveilleux, permis qu’à leur volonté ce pain (elle montrait l’hostie) soit changé en son corps, uni à l’âme d’Adonaï. Ce mystère grotesque a excité et excitera toujours la sage moquerie des philosophes. Mais admettons, pour un instant, la présence réelle du traître et de son père adoptif dans ce morceau de pain. Ainsi, par une providentielle absurdité, Adonaï et Jésus se sont livrés à notre discrétion. Eh bien, soit que ce pain soit un symbole, soit qu’il contienne vraiment les ennemis de notre Dieu, nous avons le devoir de lui cracher notre mépris. Aimable et parfaite sœur, imite-moi.