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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/406

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Comment peut-on admettre, leur dirai-je, que le crâne en question, censément apporté à Charleston par Isaac Long, soit demeuré quarante-huit années sans produire aucune de ces manifestations surnaturelles qui le signalent aujourd’hui ?… Eh quoi ! il a fallu les confidences de Gallatin Mackey à Albert Pike, à l’issue de la guerre du Mexique, pour que ce crâne fasse tout à coup parler de lui !

En 1848, le docteur Mackey fait part à Pike de sa léthargie annuelle d’une heure le jour du 11 mars. Pike consulte un de ses génies familiers, et celui-ci lui annonce que l’année suivante, c’est-à-dire le 11 mars 1849, on aura à Charleston la solution de l’énigme. Sur ces entrefaites, Gallatin Mackey découvre un coffre ayant appartenu à Isaac Long et qu’on n’avait jamais songé à ouvrir (!!!). Il brise le coffre, sa clef étant perdue, et il est tout surpris d’y trouver un crâne soigneusement empaqueté, sans autre explication qu’un bout de parchemin où sont inscrites ces trois lettres : J. B. M. Il ne sait ce que cela veut dire.

Au jour fixé, Pike ne manque pas de se trouver au rendez-vous convenu. Alors, brusquement, dans la salle du Suprême Conseil, le docteur Mackey tombe en état léthargique ; il semble frappé de mort subite, et, à l’instant même, le crâne qui se trouvait là, — pourquoi ? c’est ce qu’on néglige de dire, — se met à vomir des flammes et à parler. Il informe les personnes présentes, qui ne lui demandaient rien, qu’il est la relique du grand-maître des Templiers, Jacobus Burgundus Molay, et voilà expliqué le J.-B.-M. du parchemin. Cette manifestation surnaturelle dure une heure, au bout de laquelle Gallatin Mackey reprend ses sens, et le crâne cesse d’émettre son feu diabolique et redevient muet.

Depuis lors, chaque année, le phénomène se renouvelle le 11 mars, même depuis la mort de Mackey. Tant que le docteur vécut, il eut annuellement son heure de léthargie subite, tandis que le crâne parlait et flamboyait. Aujourd’hui, les maçons lucifériens sont convaincus qu’il y a quelque part sur le globe un individu mâle, né le 20 juin 1881, en qui est passée l’âme de Jacques Molay et qui, régulièrement, cesse de vivre pendant une heure, le 11 mars ; cet individu, ils ne l’ont pas encore trouvé, mais ils le cherchent avec persévérance.

Cette manifestation surnaturelle du crâne de Charleston confirme ce que j’ai dit plus haut : même dans les cas extraordinaires qui déconcertent la science humaine, il y a toujours ou presque toujours du charlatanisme mêlé aux prestiges ; rien n’est plus rare que les faits où le surnaturel est dégagé de toute jonglerie.

Pour ce qui est du phénomène lui-même, je reconnais admissible la croyance à l’absence de supercherie. J’ai été témoin de la léthargie de Gallatin Mackey ; j’ai entendu le crâne parler, répondre pendant une