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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/428

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enfin, la signature de Baal-Zéboub ne figure pas sur le globe terrestre. Par contre, au Baphomet du Sanctum Regnum, le globe s’ouvre et recèle un tabernacle ; c’est dans ce coffre que sont déposés les manuscrits originaux des « livres saints » du satanisme. Il y a là les manuscrits les plus rares d’Albert Pike : Ariel ; Dogme et Morale ; les Hymnes Sacrés ; les Legenda Magistralia ; le Sephar H’Debarim ; la Conduite secrète du Palladisme ; le Ritual of the New and Reformed Palladium (quatre grades sur cinq) ; la Vraie Lumière ; le Livre des Révélations ; le Verbe Suprême. Il y a aussi les livres sacro-saints : le Rituel de Mage Élu, réputé écrit par Baal-Zéboub, et le livre Apadno, qui contient l’histoire prophétique du règne de l’Ante-Christ, au point de vue satanique, et qui serait, s’il fallait en croire les palladistés, de l’écriture de Lucifer lui-même.

Cette idole hideuse, voilà le Palladium de la franc-maçonnerie universelle. C’est devant elle, — ainsi l’attestent les membres du Sérénissime Grand Collège, — que le Dieu-Bon se manifeste en personne, régulièrement une fois par semaine.

Cette apparition fait partie de celles dont je n’ai pas été témoin ; à ce sujet, je ne fais donc que répéter ce qui m’a été déclaré.

Voici, d’après Chambers, comment a lieu cette manifestation :

Les murs du Sanctum Regnum, qui sont sans ornement, mais peints d’une couche uniforme d’un vert extrêmement vif (on en éprouve un vrai malaise de la vue, en entrant), se mettent tout à coup à « suer des flammes ». Une chaleur intense se produit ; mais on n’en est nullement incommodé. Sept craquements sourds se font entendre ; il semble que le sol se déchire formidablement à une lointaine profondeur. Les assistants tombent alors à genoux et baisent le sol. Un souffle chaud et impétueux leur brûle le visage, l’espace d’une seconde à peine. À l’instant même, ils voient Lucifer devant eux, debout, à trois pas en avant du Baphomet.

Il n’apparaît pas sous une forme monstrueuse, mais comme un beau jeune homme d’une trentaine d’années. Des fois, il a des ailes ; d’autres fois, non. Les arcades sourcilières sont généralement contractées.

Aussitôt paru, il impose les mains sur les assistants, qui se sentent embrasés d’un feu mystérieux ; ils en éprouvent une douleur étrange, mêlée de volupté, m’a dit Chambers. Après quoi, il leur dit de s’asseoir ; mais, lui, il demeure debout.

L’entrevue est de durée variable, mais n’excède jamais trente-trois minutes.

Il parle d’une voix brève, par phrases courtes, d’un ton un peu saccadé ; toutefois, le timbre est mélodieux : on dirait une musique charmeuse.

Il m’interroge jamais sur des faits présents ou passés ; mais il lui arrive