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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/524

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Le guide s’engagea le premier sur l’échelle en corde, tenant d’une main sa torche qu’il avait retirée de l’encoignure de rocaille ; et je le suivis, muni de ma torche, moi aussi. Cette gymnastique ne présente pas la difficulté que j’avais supposée ; ce fut même une descente très commode, surtout pour un marin.

Arrivés en bas, nous marchâmes quelque temps, franchissant de menus obstacles, aspérités du terrain granitique, faisant le tour de divers trous profonds, où il fallait prendre garde de ne pas glisser ; et nous arrivâmes au-dessous de la masse de stalactites qui m’avait émerveillé au premier coup d’œil.

Mon guide, homme avisé, avait transporté sur son dos une foule de choses, notamment une provision de torches supplémentaires et deux ou trois immenses rouleaux de grosse ficelle. Il me fit alors l’agréable surprise d’allumer successivement quelques feux de bengale rouges, jaunes d’or, verts, et la vaste salle de départ dont les diverses issues indiquent au touriste qu’une exploration souterraine des plus variées lui est offerte, fut illuminée d’une façon superbe. C’était un spectacle vraiment admirable, grandiose, inoubliable.

Quand j’eus contemplé un moment ces merveilles de la nature, je dis à mon guide :

— Maintenant, mon ami, je vais aller seul : je me charge de trouver les chambres qui m’intéressent. Donnez-moi une autre torche, pour le cas où celle-ci ne me suffirait pas, et attendez-moi ici.

Il me regarda, fort étonné ; puis, il me vanta diverses salles, d’une splendeur incomparable, disait-il, où l’on parvenait en prenant à droite. Je lui dis que j’avais mon projet d’exploration dans la tête et que je ne m’égarerais pas. Il m’offrit un de ses rouleaux de ficelle, que je refusai ; car c’eût été fournir à un profane le tracé, le plus facile à suivre, de l’itinéraire secret ; il lui eût été alors par trop commode de s’engager après moi dans cette route mystérieuse. Mon refus ne fit qu’augmenter sa surprise. Mais, quand il me vit examiner avec soin la gauche de la salle et m’éloigner dans cette direction :

— Ah ! monsieur, s’écria-t-il en se précipitant sur mes pas, vous allez à la Chambre du Milieu, n’est-ce pas ?

— Pourquoi m’adressez-vous cette question ? lui répondis-je.

— Oh ! je ne sais pas, monsieur, quel désir vous pousse à vous rendre là ; mais, si vous persistez à y aller, il vous arrivera peut-être malheur… J’ai, il faut que je vous le dise, je ne sais quel sinistre pressentiment !…

Je me retournai vers le guide :

— Voyons, voyons, fis-je, qu’est-ce que cette histoire-là que vous me racontez, mon bonhomme ?