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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/539

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duire ainsi : Sicut semen efflorescit. Cela n’a pas besoin de commentaire. Bestial et ordurier, jusqu’à salir les pures et belles fleurs créées par Dieu, jusqu’à en faire un emblème obscène, tel est bien Lucifer, toujours le même partout. Pouah !

Mais ce n’est pas le moment de manifester mon dégoût. Il faut répondre quelque chose à ce discours de Tubalcaïn. À Charleston, on m’avait enseigné quelle était la réponse à faire en cette exceptionnelle occurrence.

Je prends donc mon air le plus méprisant (c’est de règle, et je vous réponds que je n’avais nul besoin de me contraindre), et, m’adressant à cette tourbe de sacripants, je dis la phrase qui m’avait été apprise :

— C’est bien (avec hauteur et mépris). Maintenant, quelqu’un a-t-il une augmentation de salaire à demander ?

(La phrase se dit en anglais : Very well. Will some body now have some augmentation of salary ?)

À peine ces mots sont-ils tombés de ma bouche, dans le grand silence, qu’une scène indescriptible a lieu.

Tous ces misérables, en apparence calmes et disciplinés jusque-là, entrent tout à coup dans une sorte de folie épileptique. Ils se précipitent vers le comptable et moi, comme s’ils voulaient nous dévorer. Ce sont des clameurs épouvantables : « Moi, maître ! moi, maître ! moi ! » poussées sur tous les tons d’une gamme déchirante et rauque.

Mais ce n’est encore rien. Il faut entendre les fragments de plaidoyers qui s’entrecroisent dans Pair, plaidoyers qui sont autant d’aveux cyniques :

— Moi, maître ! je mérite une augmentation de salaire… Avant d’entrer au service du Dieu-Bon, j’avais déjà, depuis mon enfance, bien mérité de lui !…

— Moi, j’ai tué mon père…

— Moi, j’ai mis le feu à trois églises catholiques…

— Moi, sur une grande route, j’ai coupé la gorge à un moine qui venait de faire sa quête, et qui rentrait à son couvent…

— Moi, j’ai massacré dans un champ deux petits enfants de chrétiens…

Tout cela, hurlé en anglais.

Ah ! l’on est bien là en présence d’un ramassis de mécréants, d’ignobles criminels, que la secte recrute dans les bagnes ou en faveur desquels ses influences interviennent pour leur éviter le dernier supplice, et dont, au moyen d’un internement à Gibraltar, elle fait les ouvriers de ses usines occultes. Gibraltar est ainsi devenu la sentine immonde du crime anglais et sataniste.

Dans ces cavernes mystérieuses, les forfaits de ces scélérats consti-