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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/555

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poupées rangées dans un placard, la tête entourée d’une gaze, ressemblant à la sœur du jobard. On enquillait la tête gazée sur un mannequin, et, crac ! on prenait une épreuve. On faisait très lestement une troisième opération, pour obtenir la photographie spirite désirée. Cinq minutes après, le bon nigaud se trouvait en présence d’un cliché le représentant et lui donnant en même temps, à côté ou derrière lui, le peresprit de sa sœur, ressemblance garantie trois ans. Chose curieuse, le bon nigaud la reconnaissait toujours, cela ne ratait jamais. Il y eut, cependant, quelques-uns de ces bénévoles portraicturés qui se fâchèrent, mais uniquement sur la question du prix, et ce sont leurs réclamations qui firent découvrir le pot aux roses : il parait que Leymarie « était dur aux métaux » ; vingt francs, cinquante, cent, et jusqu’à deux cents francs. Cela coûtait cher, on le voit, la ressemblance garantie trois ans d’un peresprit de sa sœur !

Bref, la justice s’en mêla. On le croira ou non, mais pas une, pas une, entendez-vous, des dupes ne se plaignit d’avoir été volée sur la ressemblance. Cela parait fantastique ; eh bien, cela est. Ou eut beau, au tribunal, leur montrer et mannequin et tête, leur « débiner le truc », comme on dit en argot, rien n’y fit. Plaignants quant aux métaux, ils restèrent spirites convaincus quant à la ressemblance, et nul ne parvint à leur faire sortir de la caboche que le peresprit de leur sœur était bien dûment photographié là.

Leymarie, Buguet et Firmann furent condamnés à l’amende et à la prison, comme de simples fripons qu’ils étaient… Vous croyez peut-être que cela a troublé leur commerce, peresprit que vous êtes ?

En aucune façon.

Leur chef Leymarie continue officiellement et ouvertement son commerce de peresprits ; il tient boutique et journal, et il continue l’œuvre d’Allan-Kardec.

Voilà racontées, en deux mots, la genèse et l’histoire du spiritisme ; tout cela date d’hier, de 1848, et est un produit du puffisme américain. Ce qui le condamne irrémédiablement, à mon avis, c’est qu’il n’a pas progressé depuis. Si Leymarie est resté aussi canaille, pour ne parler que de ce chef des pseudo-spirites parisiens, il n’est pas devenu plus malin, plus spirituel pour cela.

Ce sont toujours les mêmes idées, les mêmes théories, les mêmes manœuvres qui s’effectuent, seulement devant des imbéciles nouveaux.

La théorie d’Allan-Kardec fait toujours autorité. On n’y a rien ajouté, ni rien retranché. Le peresprit tient toujours la corde, tandis que sur lui le médium s’est greffé. Voyant, auditif, graphologue ou tout autre, le médium pseudo-spirite n’agit que par l’intermédiaire du peresprit.