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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/585

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« Mais, raisonnons par l’absurde. Supposons un instant que réellement ce peresprit existe ; il nous faut en ce cas étudier ses interprètes d’abord, ses manifestations après.

« Les interprètes ? Avez-vous quelquefois examiné un médium du prétendu spiritisme ?

« Qu’est-ce que c’est qu’un de ces médiums-là ?

« Vous en avez eu, messieurs, il n’y a qu’un instant encore, deux échantillons devant les yeux. L’un professionnel, l’autre scientifique.

« Le professionnel, vous le connaissez tous, ce Wilhelm Mannteufel dont le nom aurait presque une signification et qui jouit d’une certaine réputation à Berlin. Celui-là, sait-il quelque chose ? Évidemment non ; c’est un prestidigitateur forain quelconque, qui se sert de ses jongleries de tables tournantes pour en imposer aux bons nigauds. Une certaine mise en scène, en son domicile tapissé de hiboux, de signes cabalistiques, et où une tête de mort se détache en entrant, bien en vue, l’habitat en un mot sous la soupente d’un toit, — tels les antres entre ciel et terre des cabalistes de l’époque, — tout cet ensemble impressionne l’arrivant, celui qui vient pour le consulter, et qui déjà, remarquez-le, doit être un faible d’esprit, un minus habens, pour en arriver à consulter un oracle de cet acabit. Joignez à cela une habileté incontestable, — vous en avez eu la preuve tantôt, — à dissimuler certains mouvements, une sorte de ventriloquie musculaire, si je puis ainsi m’exprimer, due à la grande habitude, à l’expérience qu’un long commerce et un fréquent exercice lui ont donnés ; et vous aurez la somme totale de son spiritisme, dans lequel l’esprit ou le peresprit ont bien peu de choses à voir. Ce spirite-là est tout bonnement un devin de foire, qui se sert des tables comme d’autres des cartes, de l’eau ou du marc de café ; plus habile seulement, car il ne lui suffit pas comme aux autres, de dire des sottises, il lui faut les accompagner d’une certaine adresse et de certaines manipulations.

« L’habitat et la spécialité vous montrent suffisamment l’homme et vous le dépeignent. Appartenant à la plus basse classe sociale, sans éducation, sans instruction, sans propreté, d’une culture intellectuelle au-dessous de tout niveau, il vit, exploitant la crédulité, la faiblesse et la bêtise humaines et surtout cette croyance indéracinable à l’au-delà, qui se traduit chez la majorité par les pires superstitions et les momeries les plus grotesques, dès l’instant qu’ils sont adeptes d’une religion fausse.

« Et l’on voudrait, messieurs, que si le peresprit existait réellement, si véritablement il avait, interprète de l’âme disparue et remontée à ses sources, le pouvoir de correspondre avec nous, l’on voudrait, dis-je, qu’il se servit d’un interprète de cette nature ? Croyez-vous que notre