Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/641

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’exemple montrera comment le cerveau acquiert une idée et la transforme en un mouvement.

Voyons le chemin que suit l’idée et le travail cérébral qui va se faire pour en arriver à l’acte, au mouvement.

Nous allons prendre le mot cloche, si vous le voulez bien.

Voici une cloche, par exemple. L’enfant voit pour la première fois une cloche : instantanément, il acquiert une notion visuelle ; une image s’est empreinte sur sa rétine, qui l’a transmise au centre cérébral auquel elle est plus spécialement destinée. Mais cette notion est banale et ne lui dit rien.

Plus tard, l’enfant entend sonner une cloche, qu’il ne voit pas ; il acquiert alors une notion acoustique : un son a frappé son tympan, qui l’a aussi transmis au centre cérébral de destination ; mais cette deuxième notion est encore quelconque, c’est un son. Puis, un jour, il voit remuer une cloche et entend le son qu’elle rend ; aussitôt quelque chose se passe en lui d’inexplicable, son moi se manifeste, un jugement se fait de la réunion des deux sensations ; il sait, il a conscience que ceci fait cela, les deux notions visuelle et acoustique, jusqu’alors séparées et indifférentes, se sont rejointes et fondues, tellement que maintenant, quand il entendra sonner, cérébralement il se représentera la cloche, dont il verra et évoquera l’image, et quand il verra une cloche, cérébralement il s’en figurera et en entendra le son.

Mais jusqu’ici il n’aura pas encore le mot. Pour lui, la cloche sera ding-ding ou dong-dong ; mais elle ne sera pas encore la cloche.

Pour cette nouvelle acquisition qui complétera le cycle total de l’idée, il sera nécessaire que le père ou la mère prononcent fréquemment le mot « cloche » à l’ouïe du son ou à la vue de l’objet, en attirant dessus son attention. L’enfant le répétera d’abord, en bégayant, c’est-à-dire en boitant de la langue ; il dira cosse, closse, coche, jusqu’à ce que l’imitation complète, l’habitude aidant, lui fasse prononcer cloche, lorsque ses muscles gesticulateurs du langage articulé seront dressés.

Alors il aura non seulement le mot, mais l’accent, c’est-à-dire la façon de le prononcer. Dès lors aussi le cercle sera complet, et son esprit se promènera sans peine du mot à la chose et de la chose au mot. L’idée s’affinera, se perfectionnera, se complétera plus tard, en différenciant entre elles les cloches différentes et les différents sons.

Ce que je viens d’exposer est si vrai, le cerveau est tellement habitué à cette forme d’acquisition, que, toute la vie, la trace en reste chez l’homme dans le phénomène de la mémoire. C’est ainsi que, pour débiter ou raconter quelque chose, les uns, tandis qu’ils parlent, se figurent cérébralement voir et lire la feuille de papier sur laquelle ce qu’ils disent serait