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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/642

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écrit ; les autres, au contraire, entendent cérébralement, pendant qu’ils parlent, prononcer et souffler en quelque sorte à leurs oreilles les mots et les tirades qu’ils vont débiter.

De là, deux manières chez l’orateur : le premier est un visuel, et le second un auditif.

Cette expérience est des plus simples à pratiquer, et chacun peut, très facilement, la répéter sur soi. Imaginez-vous que vous « récitez » quelque chose, et tout de suite, en parlant, vous verrez ou vous entendrez cérébralement, vous serez un visuel ou un auditif ; et, j’ajoute qu’il vous sera absolument impossible de vous rappeler quelque chose, sans invoquer la vue cérébrale ou l’ouïe cérébrale.

À cet égard il n’y a pas d’indifférents.

N’est-ce pas que ce sont là d’admirables et très précises choses, et qu’il n’est que juste de rendre à notre science française ce qui lui est légitimement dû, c’est-à-dire une part prépondérante dans ce mouvement en avant de connaissances et d’exploration dans l’œuvre du Créateur ? Mais combien aussi n’est-il pas surprenant et pénible de constater qu’un grand nombre de savants, frappés véritablement d’une inconcevable obnubilation intellectuelle, s’obstinent, comme hallucinés par l’esprit des ténèbres, à se baser sur de si remarquables et si géniales découvertes pour en tirer des conclusions absolument fausses ?

De ce que, en effet, les circonvolutions cérébrales frontales ascendantes et pariétales descendantes sont le siège de localisations de certains mouvements, ils en ont immédiatement conclu que les cellules qui les composent corticalement sécrètent ce mouvement par une action physique ou chimique, et que l’âme, par conséquent, n’existe pas, n’est que la résultante d’actions naturelles du jeu des organes matériels et de leur vie.

Et quel bel argument pour le matérialisme contemporain ! Tel un singe, tournant autour d’un piano depuis des siècles fermé, et dont la vue l’obsède (cerveau et moelle épinière) ; l’ouvre tout à coup et à force de peine ; puis, découvre les touches (circonvolutions cérébrales et zones grises motrices) et les essaie l’une après l’autre, constatant que cela remue au moyen de leviers de communications (substance blanche et nerfs), et que cela sonne (mouvement résultant) ; puis, s’émerveille de ce qu’il a découvert, et s’écrie : « Ce piano s’est créé tout seul, il est là de toute éternité, et les touches sécrètent le son que j’entends. »

Voilà réduits à leur plus simple expression la théorie et l’argument des libres-penseurs, qu’on pourrait, en le voit, appeler plus expressément et sans crainte de se tromper : des imbéciles-penseurs.

Mille fois imbécile, en effet, celui qui ne sent pas que, à côté de tous