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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/664

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l’honneur et la dignité de son âme, la fière indépendance de sa pensée ; la créature hypnotisée livre à la fois son corps et son âme, elle perd la défense suprême des âmes libres, elle abandonne sa volonté ; elle est à vous comme les animaux domestiques employés à votre service, avec cette différence que l’animal résiste quelquefois et que la personne hypnotisée ne résiste jamais.

« Par la léthargie et la catalepsie qui marquent les premières étapes de l’hypnotisme, on s’empare du corps inerte, insensible, inconscient d’un homme ou d’une femme ; par le somnambulisme qui le termine, on s’empare de son âme, on la domine, on la dirige, on la fait agir comme on subjugue, on dirige et l’on meut le corps lui-même, dans la flaccidité de la léthargie. On s’empare de l’imagination, et, par des hallucinations positives, négatives, mixtes, on trouble absolument et profondément ses rapports avec le monde extérieur. À son réveil, les yeux ouverts, marchant et agissant comme vous et moi, cette femme hypnotisée ne verra pas ce que je vois, n’entendra pas ce que j’entends, et elle verra ce qui n’est pas, et tout cela avec une conviction qui défie les négations, avec l’énergie du désespoir.

« On s’empare de la sensibilité générale de cette femme et de tous ses organes, et par une parole impérieuse ou caressante, l’hypnotiseur lui fait éprouver des sentiments et des sensations, comme si elle était affectée en réalité par les objets dont il évoque le souvenir. On peut ainsi lui donner les terreurs et l’effroi de la mort, l’ivresse et l’extase de la joie, les fureurs de la colère, les feux dévorants de l’envie, de la jalousie, de la haine, les sensations d’un délicieux breuvage et d’un poison détestable, d’une odeur infecte et d’un parfum suave ; une parole y suffit, la réalité n’existe pas.

« On s’empare, enfin, de sa volonté, en la dirige et son but, comme le tireur bande son arc et lance un trait. On lui commande, pendant son sommeil, de faire les actes les plus graves, elle obéira, sans jamais reculer, ni devant le crime, ni devant l’infamie : on lui commandera le vol, la calomnie, l’assassinat, le suicide même, elle accomplira l’ordre donné avec l’inflexibilité tranquille et l’implacable fermeté d’un automate. À son réveil elle a tout oublié, elle ne sait plus rien ; elle pense, elle parle, elle agit, comme vous et moi ; après un mois, deux mois, au jour, à l’heure indiquée ou marquée par celui qui l’a endormie, cette femme est prise, soudain, d’une invincible obsession, d’une tentation plus forte que sa volonté, elle succombe, elle commet le crime ordonné. Le vrai coupable n’est pas là, et si, au moment de la suggestion, il a pris la précaution de défendre à cette femme hypnotisée de révéler jamais le nom de l’hypnotiseur qui n’a pas reculé devant la honte d’abuser de son sommeil et de lui