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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/682

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numentales aussi hautes chacune de plus de cinq mètres de diamètre et dont la jante qui roule sur le sol forme un rouleau de deux mètres cinquante de largeur. La force de ces roues et leur solidité sont à toute épreuve ; comme les boules avec lesquelles on joue chez nous, elles sont piquées d’une cuirasse continue de clous de fer.

Le char de Djagghernaath a quarante-cinq pieds de hauteur totale ; celui de Bala-Rama, quarante-quatre ; et celui de Sita, quarante-deux. Le poids de cet ensemble est incalculable, et il faut des milliers de gens pour le traîner. Aussi, en vue de cela, de tous côtés de l’énorme timon pendent des sangles, des chaînes, des cordes, auxquelles qui veut peut s’atteler.

Aussitôt que les portes du temple se sont ouvertes brusquement, comme si ce moment purement psychologique était un signal réel et tangible, aussitôt, dis-je, une formidable auto-suggestion a empoigné la foule. Instantanément, à la catalepsie succéda le somnambulisme.

Dans une énorme poussée, ainsi qu’une gigantesque lame de houle venue du pôle à travers les océans jusqu’au fond du golfe des Indes, l’immense cohue des pèlerins fait irruption à l’intérieur. Une poussée d’un million d’hommes !… Rien ne résiste, les piliers de pierre craquent, et comme l’écume frangée de la lame, d’écume humaine des premiers rangs vient s’aplatir et s’écraser dessus. Des cris éclatent, sinistres, sortis de poitrines qui crèvent en un hoquet suprême d’agonie. Du somnambulisme à la mort, il n’y a eu pour eux qu’un pas en avant ; le coin de pierre des blocs granitiques aigus est entré, s’est incrusté en eux, leur écrasant le cœur ; et dans la poussée qui continue plus forte, l’aplatissement complet du cadavre sur le mur a lieu. En quelques secousses, l’homme vivant n’est plus qu’un cadavre d’abord, qu’une bouillie informe ensuite, sur laquelle l’homme qui suit vient s’écraser à son tour. Le sang gicle et cascade en gouttelettes qui s’esclaffent aux murs, coulent le long des arêtes et perlent aux angles. La vie se rue à la mort dans un étouffement.

Cependant, la vague humaine a épuisé son effort, comme la vague marine ; un mouvement de reflux se produit, suivi d’une accalmie.

Un des bonzes réfugié sur le socle de pierre des idoles en profite ; il donne le signal, en faisant le simulacre de pousser de l’épaule l’un des chars.

Aussitôt, des grappes d’hommes robustes s’attèlent au timon, se pendent aux courroies, aux chaînes, aux énormes câbles disposés exprès pour cet office, et en avant !… Les trois chars balancent un instant leurs idoles, qui semblent ainsi hésiter à sortir ; puis, le mouvement se dessine ; enfin les voilà ébranlés. Ils s’engagent sous la voûte et la porte, et le premier