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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/683

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d’entre eux, celui de Djagghernaath, apparaît au dehors, dans le flamboiement du plein soleil, avec un bruit de craquement d’ais assourdissant.

Alors, dès que l’idole est aperçue de la multitude restée au dehors, un cri épouvantable retentit, qui la salue, cri fait de l’acclamation de plus d’un million de poitrines, mélangé de sifflements stridents. Le bruit du haro dure quelquefois plusieurs minutes et paraît interminable à qui l’entend et qui attend.

Mais déjà le Djagghernaath est hors de l’édifice ; maintenant il miroite à la lumière éclatante de l’astre du jour ; l’idole à des irradiements infinis, et ces innombrables rayons en auréole qui l’entourent, scintillent, comme s’ils en émanaient, éblouissent, hypnotisent, font loucher et achèvent de somnambuliser.

Aussi, c’est une gigantesque folie d’hypnose que ce peuple sue. Il n’y a plus rien de conscient ; la névrose a touché chacun de son aile et emporte la foule en un effacement dans l’inconnu.

Le char continue à marcher, et les deux autres derrière lui se profilent ; les trois sommets vont cahotants, et les têtes des divinités païennes branlottent brusquement ou se balancent comme en un remous ; et toujours un scintillement obsédant en émane, un arc-en-ciel qui rend fou à le regarder.

Jusqu’alors calme, le somnambulisme de la foule va entrer sous la période délirante. De tous côtés, maintenant, elle se rue, et devant les chars qui ont décrit une courbe, elle forme deux haies sur des kilomètres et des kilomètres détendue, au milieu desquelles ils passent, lentement, pesamment. Et, de tous côtés sur le passage, sous les roues pleuvent l’or et l’argent, les rameaux verts, les noix de coco, tout ce que la foule tient dans ses millions de mains. Mais bientôt les mains sont vides ; plus rien à lancer, dansons donc ; et une farandole insensée se déroule de chaque côté du chemin.

Mais il y a mieux encore : le dieu aime le sang ; offrons-lui-en. Alors commence la grande scène des auto-mutilations.

Des groupes se forment comme dans les foires, où l’enjeu est un morceau de vie, du sang. Les uns se roulent sur des clous et des verres cassés répandussur le sol ; ils s’y frottent la figure et la langue. D’autres se font attacher à l’extrémité de balanciers, au moyen de deux crochets de fer qu’on leur enfonce dans les omoplates, et, enlevés à cinq ou six mètres de haut, tournent avec une rapidité vertigineuse, en lançant des fleurs et des feuilles autour d’eux dans des petites pluies de fines gouttelettes de sang. D’autres encore se traversent avec des tiges de fer différentes parties du corps, les bras, les jambes, la poitrine même, et se mutilent de mille façons pour arriver à ce que le total de leurs blessures arrive au