Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Diana ne se tint pas pour battue ; elle adressa ses doléances aux Onze-Sept. À raison des prescriptions formelles de la constitution, les membres du grand triangle de Louisville n’avaient pas le droit d’empiéter sur les droits acquis le 25 mars par le grand triangle parisien ; seul, celui-ci pouvait reprendre la cérémonie d’initiation interrompue et la terminer par la consécration régulière. Les Onze-Sept tournèrent alors les règlements, en proclamant Diana Vaughan « Maîtresse Templière honoraire. »

Là-dessus, conflit entre les Saint-Jacques et les Onze-Sept ; les deux triangles s’excommunient, par dessus les flots de l’Atlantique. Mais Albert Pike intervient, mande auprès de lui la jeune sœur, cause de tout ce grabuge, consulte Moloch, Astarté, Astaroth, Baal-Zeboub et Lucifer, dit-on, et finalement ordonne la consécration tant contestée. Sophie Walder, n’ayant plus qu’à s’incliner, proclama, bien à contre-cœur, sa rivale détestée Maîtresse Templière à titre régulier, dans la séance du 15 septembre 1885, au grand triangle Saint-Jacques.

La sœur Vaughan, ayant obtenu ce qu’elle voulait, retourna à Louisville, où elle fut, pendant six années, la reine des Onze-Sept, plus que jamais sous la protection d’Asmodée dont le talisman parle toujours à son ordre. En 1890, le grand-maître suprême Albert Pike la nomma Inspectrice Générale (en mission permanente) pour l’état du Kentucky. C’est en août 1891 qu’elle a quitté Louisville et est venue s’établir à New-York, où la queue du prétendu lion de saint Marc l’a suivie : elle disparut, un beau soir, de son coffre, et fit son apparition au grand triangle Phébé-la-Rose, constitué en l’honneur de la sœur Vaughan. Diana, je l’ai dit plus haut, est aujourd’hui grande-maîtresse d’honneur ad vitam de cet important triangle américain, composé surtout des palladistes de la colonie française de New-York.

Un dernier renseignement : — De taille plutôt grande que petite, d’un visage régulier, brune, jolie, les cheveux quelque peu à la garçon, Mlle Vaughan porte aisément le costume masculin ; sans manquer de coquetterie, loin de là, elle affectionne peu les bijoux, contrairement à Sophie Walder qui en séance se couvre volontiers de brillants, Diana, d’une mise simple, mais élégante, s’orne tout au plus, parfois, d’un bracelet ou d’une épingle de cravate ; mais elle n’a jamais de boucles d’oreilles. D’un caractère franc, elle a l’humeur douce et gaie, tandis que Sophia semble toujours mijoter dans son fiel.


L’obsession protectrice, dont je viens d’exposer un cas des plus curieux, est tout à fait exceptionnelle ; le diable, convoitant une âme, déploie toute sa rouerie, en cette circonstance, au point de mettre une sourdine