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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/739

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force maugréades de sa part lorsqu’il avait été de service commandé à une messe ou à une procession. Il était donc bien tranquille par rapport aux objets religieux qu’il pouvait avoir sur lui.

Moins tranquille, cependant, il était en ce qui concernait l’engagement qu’il venait de prendre. Il avait beau être sceptique ; maintenant, il commençait à devenir légèrement inquiet. Il réfléchissait, se disait qu’il n’avait pas peur, parbleu ! Il essayait de se faire un raisonnement. « Le diable, murmurait-il en lui-même, il faut être une vieille femme pour croire à ça ! Ce soldat est fou, ma parole ; je ne verrai rien. Ou bien, il a un compère qui fera le fantôme. Eh bien, je l’attends le compère ; je lui passerai mon fil de l’épée à travers le ventre, et ce sera bien fait pour le prétendu fantôme. Et si par impossible c’était vraiment le diable en personne, ma foi, tant pis pour lui ! » Il s’imaginait ainsi calmer son émotion naissante ; en réalité, il l’avivait.

Finalement, le capitaine résolut de parler de la chose à sa femme. Celle-ci, comme bien on le pense, poussa des cris de frayeur et essaya de faire revenir son mari sur son projet.

L’officier était entêté. Il n’y avait plus à s’en dédire, pensait-il ; un militaire ne peut pas reculer, une fois qu’il s’est avancé, ni manquer à une parole donnée. Bref, malgré les instances de sa femme, le capitaine alla au rendez-vous.

La nuit était superbe ; il faisait un clair de lune admirable ; un complet silence de la nature régnait, au milieu duquel retentissait par intervalles le cliquetis du sabre de l’officier battant ses jambes, s’ourlant à son pas régulier et cadencé.

Tout en cheminant, le capitaine avait allumé sa pipe, qu’à présent il fumait gaillardement, remis tout-à-fait de son émotion du matin, calme comme un jour de bataille ; et il marchait, filant rondement, sous bois, au moment où la demie de onze heures sonnait au clocher, là-bas.

Il s’étonnait même d’être si calme ; à l’émotion, en effet, avait succédé la curiosité, et il hâtait le pas, comme pressé de voir, une fois, face à face, ce coquin de diable dont on parlait tant et auquel il ne croyait point.

Enfin, il arrive à la clairière et ne voit d’abord personne.

— Je suis le premier au rendez-vous, pense-t-il ; — et il se prépare à attendre.

Mais aussitôt une idée lui traverse la cervelle :

— Aurais-je été mystifié ? se demanda-t-il ; ce vaurien de soldat se serait-il moqué de moi ? suis-je ici pour poser inutilement comme un imbécile ?

Soudain, il ressent une violente commotion, sa pipe se casse net entre