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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/740

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ses dents, tandis qu’un coup de tonnerre sec éclate en plein ciel, et, à quelques pas de lui, l’officier aperçoit son fantassin qui venait d’arriver, lui aussi, et qui disparaissait dans un gouffre de feu tout à coup entr’ouvert, s’écriant d’une voix plaintive comme quelqu’un qui souffre horriblement, et avec un ton de reproche :

— Capitaine, capitaine, vous avez manqué à la parole jurée, vous m’avez trahi, et je paie pour vous. Adieu ! vous disparaîtrez comme moi.

Puis, plus rien. La forêt redevint silencieuse et sans autre lumière que celle de l’astre des nuits.

Le capitaine, fort ému cette fois, rentra chez lui en toute hâte et narra l’événement à sa femme ; celle-ci lui avoua alors qu’elle avait eu la précaution de coudre une médaille de la sainte Vierge dans la doublure de sa tunique.

La légende ajoute que personne ne revit plus le soldat, lequel, du reste, étant en congé de réforme, ne fut porté au corps ni déserteur ni disparu, et que le capitaine, par qui l’aventure fut connue, disparut lui-même à son tour pendant la guerre de 1870-1871.

Il est facile de voir, quand on est pénétré des enseignements de l’Église, les points erronés qui montrent la fausseté de cette légende. D’abord, le diable emportant le soldat vivant au fond des enfers est absolument inadmissible. Ensuite, la présence d’une médaille de la Vierge sur le lieu même où le démon opérait ses maléfices était de nature non-seulement à protéger le capitaine, mais encore à rendre l’esprit malin totalement impuissant ; j’aurai à citer plus loin un fait qui m’est personnel et qui montre bien que le Maudit est réduit à enrager sans pouvoir nuire quand il a devant lui quelqu’un qui porte un objet bénit. Enfin, on ne sait si le capitaine se convertit en non, et l’affirmative est probable ; mais sa persistance folle dans l’incrédulité ne suffirait pas à justifier sa propre disparition plus tard. Il va sans dire que, si je me trompe, je soumets humblement mon jugement à la lumière infaillible qui de Rome éclaire le monde entier.

La seconde légende contemporaine que j’ai promise à mes lecteurs est celle de la salle de police du fort de Vincennes. Ici encore nous nous trouvons en présence de faits, qui, s’ils sont vrais, — et cela est possible, ont du moins fort mal interprétés. Le public ne connaît guère la série d’incidents dont il s’agit ; il en a peut-être entendu parler vaguement ; mais ce que je vais rappeler est cité couramment, en médecine, comme un cas des plus curieux d’hallucination obsédante.

Voici les faits :

Un matin, le sous-officier de garde pour la police du fort, en ouvrant la salle de punition où la veille un soldat avait été enfermé, aperçoit, à sa