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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/769

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propre joue, accumule hypothèses sur hypothèses, comment procède-t-il dans son enseignement ?

Il lance pour commencer, comme ballons d’essais, quelques fous scientifiques qui créent de toutes pièces l’échelon intermédiaire introuvable, l’anthropopithèque, le singe-homme ou précurseur de l’homme. Partant d’une hypothèse, ces fous hypothèsent encore plus, et voici ce qu’ils imaginent : un petit canevas de roman créatif, mais peu récréatif, on va voir.

Au commencement de la période appelée laurentienne par les géologues, et de la rencontre fortuite, dans des conditions qui ne se sont peut-être présentées qu’à cette époque, de quelques éléments de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote, se formèrent les premiers grumeaux albuminoïdes. À leurs dépens, et par voie de génération spontanée, surgirent les premières cellules animées connues. Ces cellules, dès lors, se segmentent, se multiplient, se disposent en organes, et arrivent, par une série de transformations que M. Hœckel, se croyant infaillible, fixe à neuf, à donner naissance à quelques vertébrés tout à fait primitifs, dans le genre de l’amphioxus lanceolatus. La séparation des sexes y est dessinée ; la moelle épinière et la chorda dorsalis y sont visibles. Au dixième degré, le cerveau et le crâne apparaissent, comme dans les lamproies. Au onzième, se montrent les membres et les mâchoires, comme dans les squales ; la terre, en ce moment, n’en est encore qu’à sa période silurienne. Au seizième degré, l’adaptation à la vie terrestre est terminée. Au dix-septième, qui répond à la phase jurassique de l’histoire du globe, la généalogie de l’homme s’élève au kanguroo, parmi les marsupiaux. Au dix-huitième, il devient lémurien ; l’âge tertiaire commence. Au dix-neuvième, il devient catarrhinien, c’est-à-dire un singe à queue, un pithécien. Au vingtième, le voilà anthropoïde, durant toute la période miocène environ. Au vingt-et-unième, c’est l’homme-singe, il n’a encore ni le langage ni le cerveau correspondant. Au vingt-deuxième, enfin, l’homme apparaît tel que nous le connaissons… Et voilà ! Enfoncé, le système de la création de Dieu !

Cependant, le pontife matérialiste n’est pas au bout de ses doctes explications. Satan a encore quelques bonnes folies à introduire dans son cerveau obsédé.

Hœckel ne se bornera pas là, et il nous donnera l’endroit où se sont opérées toutes ces transformations, ou plutôt les endroits, en des continents auxquels il donne le nom de Lemurie, aujourd’hui submergés, et qui s’étendaient de Gibraltar au Japon, en passant par Madagascar, Ceylan, les îles de la Sonde. C’est au fond des océans qu’il faut aller fouiller pour trouver les preuves de ce que les bons matérialistes ont rêvé !