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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/768

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moment où je me dis : « Parbleu ! c’est évident, Dieu n’a rien créé du tout ; il y a là une chaîne sans fin qui a existé de tout temps » ; au moment enfin où, superbe dans mon orgueil imbécile qui me pousse à vouloir en remontrer à l’Église, je me crois victorieux du dogme, et où je compte les maillons de cette chaîne qui me passent entre les doigts, crac ! le dernier maillon cède, casse, et tout s’écroule ; l’animal intermédiaire entre l’anthropoïde et l’homme m’échappe, envolé, disparu, introuvable… et mon homme, mon homme de Dieu, me reste seul, là-bas sur une toute autre rive, riant en son for intérieur ou pleurant de mes efforts désespérés à chercher ce pont, ce gué, ce passage, cet intermédiaire entre le singe et lui. L’homme, — matérialistes, vous aurez beau dire et beau faire, — est le seul et unique de son espèce ; cela crève tellement les yeux, qu’il n’y a pas à barguigner, fût-on le diable, et que, devant cet axiome éclatant, il n’y a plus, messire Satan, qu’à mettre votre queue entre vos jambes et vous en aller marmiteux et déconfit !

Cependant, on n’en veut pas avoir le démenti, quand on perd de vue la Bible, la révélation ; au lieu de s’incliner devant l’évidence et de se dire : « la fameuse chaîne n’est qu’une ficelle », on argumente, on ergote, on se débat contre le formidable de l’œuvre incompréhensible ; et c’est alors qu’on se montre, non plus homme de Dieu, mais vrai singe de Satan.

Ah oui ! comme je le disais à propos de l’hystérie ; tout va bien, tant qu’on s’en tient à la sphère animale ; mais, dès qu’on arrive dans la sphère intellectuelle, spirituelle, religieuse, dans le domaine de cette âme que l’on veut nier, toutes les fausses théories s’évanouissent, comme bulles de savon qui crèvent au souffle de l’enfant. On sent qu’il y a là quelque chose que le Créateur a gardé pour lui comme un secret dans l’origine de cet homme pour lequel il s’est incarné, qu’il a élevé jusqu’à lui en le rédimant, et qu’il n’a pas voulu, par conséquent, quelque semblable aux animaux que l’apparence le fasse, le créer semblable aux animaux.

Mais je n’ai encore jusqu’ici montré que le plan général de la création, telle que l’explique le diable : puisqu’il ne veut pas être convaincu de son erreur, ou mieux, puisque n’étant pas sa propre dupe il cherche de parti-pris à duper les hommes, moins avisés naturellement que lui, il me faut maintenant montrer par quelques détails comment il s’y prend pour expliquer cette séparation absolue entre les animaux et l’homme, ou plutôt pour démontrer qu’elle n’existe pas.

Tout d’abord, lui qui traite les vérités bibliques d’hypothèses inadmissibles, et qui, comme par un soufflet qu’il se donne inconscient sur sa