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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/794

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« Leur puissance est, par rapport à nos conceptions, véritablement illimitée ; et il nous est impossible d’y trouver et d’y fixer d’une manière certaine d’autres bornes que celles où commence le domaine propre et réservé de la puissance divine.

« Ainsi, Dieu seul peut créer ; seul, il peut donner et rendre la vie, parce que seul il a l’empire de la vie et de la mort ; seul, il peut connaître certainement les événements futurs qui ne peuvent encore être vus ou prévus dans leurs causes ; seul, enfin, il agit par des actes de pure volonté.

« Mais, en dehors de ce domaine réservé à la toute-puissance, — domaine que nous n’entendons pas ici définir en circonscrire, mais simplement désigner par quelques-unes de ses propriétés les plus marquantes et les plus incontestables, — la puissance des démons a un champ immense où il lui est loisible de se déployer, sous les réserves que nous allons indiquer sommairement.

« C’est, en effet, une puissance non seulement limitée par sa nature, puisque cette nature est créée, mais tenue en bride et enchaînée par le bon plaisir et la miséricorde de Dieu. Les démons ne peuvent user de leurs forces qu’autant que Dieu le permet. C’est pourquoi nous ne les devons craindre que pour veiller et prier. Ils ne peuvent rien contre nous qui nous cause un vrai dommage, si nous ne leur donnons pas prise par notre présomption et notre malheureuse et coupable complaisance à entrer en relations avec eux.

« Ils ont, d’ailleurs, deux moyens principaux d’agir sur nous : la tentation intérieure, par laquelle ils luttent contre la grâce divine, et le prestige extérieur, qui est la contrefaçon des miracles divins.

« C’est surtout des prestiges diaboliques qu’il est question ici.

« Or, il est facile de remarquer, pour peu qu’on soit familiarisé avec l’histoire de l’Église aux différentes époques et dans les différentes parties du monde, que Dieu laisse aux démons un plus grand pouvoir, en ce genre d’opérations, dans deux circonstances directement opposées l’une à l’autre. Vaincu par les saints sur le terrain de la tentation, le Maudit obtient souvent la permission de les assaillir et de les tourmenter, comme Job, par toutes sortes d’attaques extérieures et sensibles.

« Nos lecteurs connaissent assez, pour la plupart du moins, les vies des anciens Pères du désert pour y pouvoir vérifier cette observation, et à notre époque la vie du vénérable curé d’Ars, en particulier, nous montre la rage infernale exerçant sa violence et brisant ses efforts contre l’humilité et la confiance paisible de ce grand et modeste serviteur de Dieu. Ainsi la fureur et la haine de l’enfer tournent à sa confusion, et Dieu est glorifié dans l’épreuve et par le triomphe de ses saints.