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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/812

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Qua cœlum fugiet, sol erubescet,
Luna mutabitur, dies nigrescet,
Sidera suprà terram cadent.
Heu miseri ! heu miseri !
Quid, homo, ineptam sequeris lætitiam ?


Pour être tout à fait exact, il convient de dire que tous les catholiques, et notamment bon nombre de supérieurs de communautés religieuses, ne partagèrent point l’erreur. Ainsi, Abbon, avec Richard, abbé du monastère de Fleury, écrivit contre l’opinion « fort accréditée », dit-il lui-même, de la fin du monde. Ce fut aussi pour s’édifier à cet égard que la reine Gerberge, femme de Louis d’Outre-Mer, engagea Adson à écrire sur l’Ante-Christ ; mais Adson, loin de donner dans l’erreur populaire, montra à la reine que le temps de l’Ante-Christ était encore fort éloigné et que même le jugement dernier ne suivrait pas de si près la destruction de cet ennemi de Dieu (voir Historiæ Francorum scriptores, tome II, Paris, 1636, p. 844, où Duchesne publie la préface du traité d’Adson lequel avait été jusque-là attribué mal à propos à saint Augustin et à Alcuin par divers éditeurs).

Quoi qu’il en soit, le diable tenta à cette époque un effort formidable, qui se traduisit sur terre par une extraordinaire quantité de ces actes de bouleversement des lois de la nature, dont il est coutumier.

Bien avant la prétendue échéance fatale, il suscita partout des illuminés, vrais hérétiques, venus on ne sait d’où, qui parcouraient les campagnes, vêtus de noir, avec des cornes rouges sur la tête, et qui annonçaient publiquement la prochaine venue de l’Ante-Christ.

Là-dessus, la famine arriva, désolant tout.

Pour les catholiques superficiels qui s’imaginent que les fléaux se produisent par l’effet du pur hasard, cette famine éclatant inopinément sera un incident quelconque de la vie de l’humanité, et non un indice grave. Les vrais croyants, au contraire, ceux qui pensent, avec Mgr Gerbet, que les fléaux ont une cause surnaturelle, dérivant de la volonté de Dieu, et que Dieu, lâchant parfois la bride à Satan, permet qu’il éprouve l’humanité en assouvissant sa rage contre elle, ceux-là comprendront que la terrible famine du dixième siècle était un signe d’une importance extrême. Le diable, autorisé par Dieu à vagabonder en ce temps-là hors de l’enfer, se croyait déjà tout permis.

Naturellement, comme Satan, semblable aux loups, réserve sa plus terrible haine aux pasteurs institués par l’Éternel pour garder les brebis, ce fut dans les monastères, dans les ordres religieux, dans le clergé régulier et séculier, qu’il exerça d’abord ses ravages. Il commença son œuvre criminelle par un scandale inouï qui fit frémir toute la chrétienté.