Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/816

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ecclésiastiques, qui avaient été trompés par ce scélérat, les mirent sous la pierre des autels et dans des chasses. La nuit suivante, les moines et les clercs qui veillaient dans l’église, eurent une grosse peur : des figures monstrueuses, des Éthiopiens tout noirs, sortaient de la chapelle où reposaient ces ossements, puis s’enfuirent en ricanant.

Une nuit, au monastère de Saint-Léger, avant matines, Glaber vit, au pied de son lit, un petit monstre noir à forme humaine, le cou grêle, la face maigre, les yeux très noirs, le front étroit et ridé, le nez plat, la bouche énorme, le menton court et effilé, un barbe de bouc, les oreilles droites et pointues, les yeux raides et en désordre, des dents de chien, l’occiput en pointe, la poitrine et le dos en bosse, les vêtements sordides ; il s’agitait, se démenait furieusement. Il saisit le bois du lit et le secoua avec violence, grinçant des dents et répétant :

— Tu ne resteras pas plus longtemps ici !

Glaber s’échappa, plus mort que vif, et courut se réfugier sur les degrés de l’autel de saint Benoît.

À Saint-Bénigne, le même démon se montra à lui dans le dortoir des frères. C’était au petit jour. Il courait en criant :

— Mon bachelier ? où est-il ? où est mon bachelier ?

Mais, cette fois, ce n’était pas lui qu’il cherchait ; il faisait la chasse à un novice nommé Thierri, d’un caractère très léger, qu’il posséda incontinent, et qui le lendemain se sauvait du couvent, jetant le froc aux orties.

La troisième rencontre de Glaber avec le démon eut lieu à l’abbaye de Moutiers, près d’Auxerre. La cloche achevait de sonner matines, et le moine, un peu las, somnolent, tardait à se lever : çà et là, dans le dortoir encore ténébreux, d’autres frères, dont la paresse était, parait-il, le péché mignon, dormaient très paisiblement, bercés par le son de la cloche. À peine les derniers moines dociles à la règle furent-ils partis, et au moment où Glaber se réveillait, un diable, toujours le même, bondit tout haletant, en haut de l’escalier, et vint s’appuyer au mur de la chambrée monacale, les mains derrière le dos, en criant :

— C’est moi ! c’est moi, qui reste avec ceux qui restent !

Trois jours plus tard, l’un de ces frères trop amis de la couchette s’échappait du couvent, possédé lui-même.

Mais, à cette époque aussi, le diable ne se contentait pas de troubler les couvents et les moines ; il parcourait l’Europe entière, semant partout le désarroi.

Ses artifices furent, comme toujours, d’une invention très variée.

Il entre dans un château, sur les pas d’une femme hérétique, et suivi d’une troupe de diables en robe noire, à faces horribles ; il s’agit de capter l’âme d’un écuyer moribond. Il crie au malade :