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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/817

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— Me connais-tu, Hugo ? Je suis le plus puissant des puissants, le plus riche des riches. Crois-moi, et je t’arracherai à la mort, et tu vivras longtemps.

Puis, il se venta d’avoir donné le trône pontifical à un moine possédé de lui (c’est ainsi qu’il semait la calomnie contre le grand Silvestre II), la couronne impériale en Occident à Conrad le Salique, en Orient à Michel le Paphlagonien.

Un signe de croix, fait par Hugo expirant, suffit pour chasser la bande infernale, qui s’évanouit avec d’épouvantables grimaces.

Le démon attend les gens sur les ponts, dans le voisinage des monastères. Un paroissien passe-t-il pour se rendre à l’office ; soudain, il voit se dresser en face de lui une tour ; mais, devinant la présence du malin, il se signe, retourne très vite chez lui, et meurt en paix quelques jours plus tard.

Près du château de Joigny, trois années durant, il pleut des pierres de toutes grandeurs dans la maison d’un gentilhomme nommé Arlebaud ; bornes des champs ou des chemins, pierres arrachées à des édifices éloignés, c’est une averse surnaturelle qui ne s’arrête plus, et les blocs tombés du ciel s’amoncellent, sans blesser personne. Pourtant, ce prodige eut des suites mauvaises : plus de trente années de querelles et de meurtres dans la famille du gentilhomme possédé.

Le diable se fait encore, toujours par des prodiges, l’annonciateur de grands malheurs.

Un prêtre qui vivait au château de Tonnerre, s’étant mis à la fenêtre un dimanche soir, avant le souper, vit venir du nord et tourner au couchant une multitude de chevaliers qui semblaient courir au combat. Tout à coup, ils disparurent comme fumée légère, et le bon prêtre, frappé de terreur, se mit à pleurer. Il mourut quelque temps après ; l’année suivante, Henri, fils du roi Robert, assiégea le château et y fit un massacre.

Un dragon de feu parait au ciel, et, quelques mois plus tard, Robert met la Bourgogne à feu et à sang.

Puis, le diable lui-même parodie la religion ; les phénomènes infernaux se produisent jusque dans une église.

Un jeune moine, d’âme très douce, priant seul, un matin de dimanche, dans l’église rayonnante de soleil, voit entrer au chœur, sans bruit, des clercs vêtus d’aubes blanches et de dalmatiques de pourpre ; un évêque, mître en tête et crosse en main, les précédait ; il monta à l’autel de saint Maurice, martyr, et commença de chanter la messe du jour. Le moine leur demanda qui ils étaient et d’où ils venaient ; ils lui répondirent qu’ils étaient morts pour la défense de la foi catholique, et qu’ils s’en allaient,