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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/827

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pouillée du pouvoir temporel, et où, en même temps, à la même minute, le grand-maître dogmatique de l’occultisme, Albert Pike, vicaire de Lucifer, proclamait à Charleston que le vrai Palladisme était désormais fondé.

Eh bien, pour mieux comparer les deux époques, lisez, sans en sauter une ligne, cet épisode de l’histoire du manichéo-gnosticisme au dixième siècle. Je prends ce récit textuellement dans Rohrbacher (Histoire universelle de l’Église catholique, tome VI, pages 5 et suivantes), pour ne pas être taxé d’avoir donné libre cours à mon imagination.

Une femme, venue d’Italie, avait formé et Orléans une société secrète, où l’on professait les erreurs les plus monstrueuses des manichéens et des gnostiques. Cette femme artificieuse s’attacha d’abord aux principaux du clergé par une apparence hypocrite de piété, et elle fit semblant de les prendre pour ses directeurs ; mais, quand elle eut gagné leur confiance en leur donnant la sienne, elle commença elle-même à les diriger, s’appliquant à corrompre les cœurs pour séduire les esprits ; et elle ne réussit que trop.

Depuis plusieurs années, donc, les principaux du clergé étaient infectés des erreurs les plus absurdes et adonnés aux pratiques les plus infâmes du manichéisme, et rien n’en paraissait au dehors, lorsque la Providence permit que ce mystère d’iniquité fût dévoilé de la manière suivante.

Un seigneur normand, nommé Arefaste, de la famille des ducs de Normandie, avait chez lui un clerc nommé Herbert, qui était allé achever ses études à Orléans ; mais, au lieu de la vérité qu’il y cherchait, il y suça le plus subtil poison de l’erreur. Deux ecclésiastiques d’Orléans, Étienne et Lisoie, auxquels il eut le malheur de s’attacher, lui eurent bientôt inspiré les pernicieux sentiments qu’ils avaient. Lisoie était chanoine de Sainte-Croix, qui est la cathédrale ; Étienne, qu’on appelait aussi Herbert, présidait à l’école d’un monastère. Le clerc normand, séduit par la réputation de ces deux hérétiques, devint un des plus entêtés de leurs disciples. De retour en Normandie, il tâcha adroitement de gagner son maître à la secte.

Arefaste était homme de probité, de bon conseil, et éloquent ; par cette raison, il avait été souvent employé dans des négociations auprès du roi de France et des autres seigneurs. Ayant donc aperçu l’erreur de son clerc, il en avertit Richard, duc de Normandie, et le pria d’écrire au roi Robert, pour lui découvrir le mal caché dans son royaume, avant qu’il fit plus de progrès, et pour l’exhorter à donner à Arefaste lui-même le secours nécessaire afin d’y remédier.

Le roi, surpris d’une si étrange nouvelle, manda qu’Arefaste se rendît