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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/872

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s’agissait était d’un si grand poids, et tellement important aux vérités de l’Église catholique et romaine, que cette seule considération devait servir de motif pour exciter la dévotion, et que d’ailleurs le mal de ces pauvres filles était si étrange, après avoir été si long temps, que la charité obligeait tous ceux qui ont droit, de travailler à leur délivrance et à l’expulsion des démons, d’employer l’efficace de leur caractère pour un si digne sujet, par l’exorcisme que l’Église prescrit à ses pasteurs : puis, adressant sa parole audit Grandier, icelui dit qu’étant de ce nombre, par l’onction sacrée du prêtre, il y devait contribuer tout son pouvoir et son zèle, (s’il plaisait à Monseigneur l’Évêque de Poitiers lui en donner la permission) et commencer la suspension et autorité. Ce que ledit sieur évêque ayant concédé, le père récollet présenta une étole au dit Grandier, qui, s’étant tourné vers ledit sieur Évêque, lui demanda s’il lui permettait de la prendre, lequel ayant répondu qu’oui, il se mit ladite étole au col ; et incontinent qu’il eût pris ladite étole, les démons s’écrièrent : « Tu y as renoncé » ; et alors ledit récollet lui présenta un rituel, qu’il demanda permission de prendre audit sieur évêque, comme ci-dessus, reçut la bénédiction, se prosternant à ses pieds ; sur quoi, le Veni Creator ayant été chanté, il se releva et adressant sa parole à mondit sieur l’Évêque, lui dit : « Monseigneur, qui dois-je exorciser ? » Sur quoi lui fut répondu par mondit sieur l’Évêque : « Ces filles. » Il continua, et dit : « Quelles filles ? » À quoi fut répondu : « Ces filles possédées. » : — « Tellement, Monseigneur, que je suis obligé de croire la possession de l’Église ; je la crois, puisque l’Église la croit ; je la crois aussi, quoique je n’estime pas qu’un magicien peut faire posséder un chrétien sans son consentement » ; lorsque quelques-uns s’écrièrent qu’il était hérétique, d’avancer cette créance, que cette vérité était indubitable, reçue en toute l’Église et approuvée par la Sorbonne. Sur quoi il répondit qu’il n’avait point formé de créance déterminée là-dessus, que c’était seulement sa pensée, qu’en tout cas il se soumettait du tout à l’Église, dont il n’était qu’un membre et que jamais personne ne fut hérétique pour avoir des doutes, mais pour y avoir persisté opiniâtrement, et que ce qu’il en avait proposé audit sieur Évêque, c’était pour être assuré par sa bouche qu’il n’abuserait point de l’autorité de l’Église.

« Et lui ayant été amenée par devers ledit récollet la sœur Catherine, possédée, comme la plus ignorante de toutes et moins soupçonnée d’entendre le latin, il commença l’exorcisme en la forme prescrite dans le rituel ; mais, au lieu où il y avait : Præcipio aut impero (je vous commande ou vous ordonne), il disait : Cogor vos (je suis forcé de vous ordonner), dont il fut repris par ledit sieur évêque de Poitiers, qui lui dit que l’Église ne parlait point en ces termes aux démons. Il (Grandier) ne