Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/871

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Poitiers. J’emprunterai le récit de cette dramatique séance à une relation reconnue fidèle par tous les contemporains[1].

« Le vendredi, 23 juin 1634, veille de la Saint-Jean, sur les trois heures après midi, Mgr de Poitiers et M. de Laubardemont étant dans l’église de Sainte-Croix de Loudun, pour continuer les exorcismes des religieuses ursulines, de l’ordre dudit sieur de Laubardemont, commissaire, fut amené de la prison en la dite église, Urbain Grandier, prêtre curé, accusé et dénommé magicien par lesdites religieuses possédées, auquel furent produits par ledit sieur commissaire, quatre pactes, rapportés, à diverses fois, aux précédents exorcismes, par lesdites possédées, que les diables qui les possédaient disaient avoir faits avec ledit Grandier pour plusieurs fois, mais l’un particulièrement rendu par Leviathan, le samedi 17 du présent mois, composé de la chair du cœur d’un enfant, prise en un sabbat fait à Orléans en 1631 ; de la cendre d’une hostie brûlée, du sang et de la σεμενσε dudit Grandier, par lequel Leviathan dit être entré au corps de sœur Jeanne des Anges, supérieure desdites religieuses, et l’avoir possédée avec ses adjoints, Béhémoth, Isacaron et Balam ; et ce 8 décembre 1832 ;

« L’autre, composé de graines d’oranges et de grenades, rendu par Asmodée, alors possédant la sœur Agnès, le jeudi, 22 du présent mois, fait entre ledit Grandier, Asmodée, et quantité d’autres diables, pour empêcher l’effet des promesses de Béhérith, qui avait promis, pour signe de sa sortie, d’enlever la calotte du sieur commissaire à la hauteur de deux piques, l’espace d’un Miserere ;

« Tous lesquels pactes réputés au dit Grandier, il a dit, sans témoigner aucun étonnement, ne savoir ce que c’était des dites pactes, ne les avoir jamais faites, et ne connaître point d’art capable de telles choses, n’avoir jamais eu de communications avec ces diables, et ignorer absolument ce qu’on lui disait ; dont fut fait un procès-verbal que ledit Grandier signa. Cela fait, l’on amena toutes lesdites religieuses possédées, en nombre de neuf, et trois autres séculières aussi possédées, dans le chœur de ladite église, accompagnées de nombre de religieux, et y étaient trois médecins, un chirurgien et quelques prêtres. Lesquelles possédées, à leur arrivée, firent quelques petits cris, appelant ledit Grandier leur maître, et témoignant allégresse de le voir. Lors, l’un des exorcistes exhorta toute l’assistance d’élever leur cœur à Dieu, avec une ferveur extraordinaire, pour recevoir la bénédiction de monseigneur l’évêque de Poitiers. Ce qu’ayant été fait, il continua de dire que l’affaire dont il

  1. Bibliothèque Nationale : Recueil Thoisy, 92. Réserve. Interrogatoire de maître Urbain Grandier, avec les confrontations des religieuses possédées contre le dit Grandier. 1634, avec permission.