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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/874

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terre, se voulaient jeter toutes sur ledit Grandier pour le déchirer, étant cause, disaient ces diables, de les faire souffrir par le brûlement de ces pactes ; toutes lesquelles choses étaient effroyables à tous. Néanmoins ledit Grandier s’efforçait à l’extérieur, et témoignait qu’il ne s’étonnait pas, quoiqu’il en eût plus de sujet qu’aucun autre, les diables continuant les accusations, lui cottant les lieux, les heures et les jours de leurs communications avec lui, ses premiers maléfices, ses scandales, son insensibilité, les renoncements faits à la foi et à Dieu. À quoi il répondit, sans avoir appréhension, que jamais il n’avait donné lieu à ces abominations, tant parce qu’il ne s’est jamais rien vu de pareil.

« Je me suis oublié de vous dire qu’un de ces démons cria que Belzébuth était alors entre ledit Grandier et un capucin qui était à son côté ; et sur ce qu’il dit, adressant la parole au démon : obmutescas (fais silence), le dit diable commença à jurer que c’était le mot du guet ; mais qu’ils étaient forcés de tout dire, parce que Dieu était plus fort que tout l’Enfer, si bien que ces diables se voulurent jeter sur lui, s’offrant de le déchirer, de montrer ses marques, de l’étrangler, quoiqu’il fût leur maître. Sur quoi il prit occasion de dire qu’il n’était leur maître, ni leur valet, et que c’était une chose incroyable qu’ils le publiassent leur maître et s’offrissent de l’étrangler. Alors, ces filles lui ayant jeté leurs pantoufles à la tête, il dit : « Voilà les diables qui se déferrent d’eux-mêmes. » Enfin, ces diableries crurent à un tel point que, sans empêchement de ces religieux, infailliblement l’horreur de ce spectacle eût fini sa vie, et tout ce qu’on put faire, fut de le ramener en la prison vers les six heures…

« Enfin après tous ces exorcismes et interrogatoires, ledit Grandier fut atteint et convaincu de magie, sortilège, irréligion, et autres cas mentionnés au procès, ainsi qu’il appert par l’arrêt. »

Laissons ici la parole au père Surin :

« Le roi envoya un nouvel ordre à M. de Laubardemont de faire venir quatorze juges de plusieurs présidiaux voisins, tels que Poitiers, Angers, Tours, Orléans, Chinon et la Flèche ; ce qui fut exécuté… Ils furent quarante jours à examiner cette affaire, sur laquelle les démons, par un ordre exprès de Dieu, leur donnaient tous les jours de nouvelles lumières au préjudice de Grandier : et après un mûr examen on trouvait qu’ils ne disaient rien contre lui qui ne fût véritable. »

En conséquence, le vendredi 18 août 1634 fut prononcé contre Urbain Grandier l’arrêt de condamnation suivant :

« Vu par nous, commissaires députés par le Roy, juges souverains en cette partie suivant les lettres patentes du huitième juillet 1634, le procès criminel extraordinairement fait à la requête du procureur de Sa Majesté, demandeur et accusateur, pour crime de magie, sortilège, impiété, sa-