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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/898

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gauche avec des cris et des hurlements, et quitta la mère, laissant sur sa main gauche, à la vue de tout le monde, le saint nom Maria en caractères romains. Ils étaient profonds dans la chair, au-dessus du nom de saint Joseph, qui était d’un caractère plus petit. La mère étant revenue à elle, on chanta le Te Deum en actions de grâces, pendant que l’on dressait l’acte pour le faire signer aux assistants. »

Restait Béhémoth, qui s’entêtait à ne vouloir sortir qu’à Annecy, en Savoie, devant le tombeau de l’évêque de Genève, promettant qu’il écrirait le nom de Jésus au-dessus de celui de Marie. « En attendant, disait-il au père Surin, je ferai bien du mal avant que cela arrive. » En effet, les obsessions du père devinrent si violentes et si continuelles, qu’il dut renoncer à poursuivre les exorcismes.

« Dans ce temps-là, dit-il, mes maux s’augmentèrent si fort, que je ne savais plus que faire. En sorte que mes parents et mes amis prièrent le révérend père Provincial de me retirer de l’emploi d’exorciste ; ce qu’il fit… Etant donc retourné à Bordeaux vers la fin de l’année 1636, on donna à la mère comme exorciste le père Vessel, jésuite, très capable de cet emploi. Il se plaisait à la rigueur des exorcismes, voyant le bien que cela faisait au peuple, qui était fort ému par ces spectacles. C’est ce qui engageait ce père à pousser loin ces exorcismes, quoique fort pénibles pour la mère. »

Pendant l’absence du père Surin eut lieu en faveur de la possédée un miracle signalé qu’il raconte dans le plus grand détail. Le mère Jeanne des Anges étant tombée gravement malade, et son mal paraissant si désespéré qu’on lui donna l’extrême-onction et qu’elle tomba en agonie, une apparition nocturne de saint Joseph pendant cette agonie la guérit miraculeusement, par la vertu d’un baume dont il mouille son côté. C’était le 7 février 1637.

« Deux jours après, raconte le père Surin, la mère se souvint de l’onction que saint Joseph avait mise à son côté et qu’elle n’avait essuyée qu’avec sa chemise. Elle crut que la chose méritait bien qu’elle y prit garde. Elle pria donc la sous-prieure de venir voir avec elle ce que c’était. Elles s’enfermèrent toutes les deux dans une chambre, ou la mère ayant quitté ses habits, elles sentirent une odeur admirable ; et regardant cette chemise que la mère quitta, elles y trouvèrent cinq gouttes bien apparentes de ce baume divin, qui parfumait la chambre d’une suavité sans pareille. Elles coupèrent tout le bas de la chemise ; mais comme elle n’était guère propre du haut parce qu’elle lui avait servi pendant sa maladie, elles prirent le parti de la blanchir ; et craignant d’endommager les cinq gouttes de baume, elles lièrent l’endroit de la chemise où elles étaient, en sorte que, savonnant le reste de la chemise, elles ne mouil-