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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/899

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lassent point ce baume précieux : ce qui réussit miraculeusement, car l’endroit où étaient les cinq gouttes étant aussi sale que le reste, lorsque la chemise fut sèche, il parut aussi blanc que si le savon y eût passé, et les gouttes étaient plus distinctes qu’auparavant.

« Dieu a fait depuis tant de miracles par ce baume, que le révérend père Provincial des jésuites écrivant à Rome à son Général ce prodige, lui manda : Cœci vident, claudi ambulant, etc. Les aveugles voient, les boiteux marchent, etc. »

Les supérieurs du père Surin, voyant qu’il ne recevait aucun soulagement de ses peines et vexations diaboliques par son éloignement de Loudun, jugérent à propos de l’y renvoyer. Il y rentra après l’octave du Saint-Sacrement de l’année 1637, et aussitôt arrivé, reprit le travail des exorcismes. Béhémoth, pressé de sortir, persistait à répondre qu’il ne sortirait qu’au tombeau de saint François de Sales ; et d’autre part Laubardemont et Mgr de Poitiers continuaient à se prononcer contre le voyage de Savoie. La mère Jeanne des Anges eut alors une céleste inspiration. Le jour de l’Assomption, après avoir communié, elle entendit une voix intérieure qui lui dit : « Puisque les hommes s’opposent aux voies que Dieu ouvre pour votre délivrance, si votre père exorciste et vous faites vœu d’aller ensemble remercier Notre-Seigneur, et visiter le sépulcre de saint François de Sales, vous pourrez être délivrée même à Loudun, et voir la fin de votre peine. Ne manquez pas de le dire à votre père exorciste. » Ce vœu se fit solennellement le 17 septembre 1637, jour des stigmates de saint François.

Au commencement d’octobre, elle désira faire une retraite ; ce fut pendant les exercices spirituels de cette retraite que Béhémotte, sans être de nouveau exorcisé, se décida à quitter le corps de la prieure.

« Ce jour heureux, dit le père Surin, arriva le 15 octobre 1637, fête de sainte Thérèse. Car, ayant dit la messe et présenté la communion à la mère, il lui prit une furieuse convulsion, quoique depuis longtemps elle communiât en grande paix. Son visage devint effroyable, et son corps se pliant en arrière par l’impulsion du démon, elle haussa la main gauche, la tournant en sorte que je vis manifestement les noms de Marie et de Joseph, formés en beaux caractères sanglants, et au-dessus le nom de Jésus, aussi clairement, que j’aie jamais vu aucune chose. Je ne vis pas formé le nom de saint François de Sales ; il s’y trouva néanmoins écrit.

« Dans le même moment, la mère revint de sa convulsion : le démon l’ayant quittée, elle se remit dans sa posture, et reçut le corps adorable de notre Sauveur. Depuis, elle n’a en toute sa vie aucune de ces méchantes impressions diaboliques, Béhémoth, en sortant, fit une impression remarquable sur l’esprit de la mère. Elle me dit que Jésus-Christ