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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/911

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donner lieu à une hallucination. Son état moral est intègre ; c’est celui d’un enfant qui, en ce moment, pense à l’heure présente, mais ni à hier, ni à tout à l’heure, ni encore moins à demain. Encore, il ne parle pas de ce qui vient de lui arriver, parce qu’il ne sait ni ne comprend ; inhabile à analyser ce qu’il éprouve, incapable de juger, c’est à peine s’il songera tantôt au malaise pourtant bien caractérisé qu’il a ressenti passagèrement et pour la première fois.

Cependant, ces malaises continuent, indéfinissables, vagues ; sans rien noter de précis, l’enfant sent qu’il n’est déjà plus lui-même, mais comme la proie, la chose de quelqu’un. Il a conscience de frôlements, d’attouchements invisibles ; quelquefois déjà il reçoit des coups, qu’il accuse et dont il porte les traces, venus on ne sait d’où. Si dès lors il se plaint, le médecin, appelé en toute hâte, — et qui n’y entend rien, pour peu qu’il se laisse influencer par les idées fausses de l’école matérialiste, — hoche gravement la tête, prononce quelques mots, rassure la famille, tout en réservant son diagnostic et son pronostic ; puis, il s’en va, oubliant, sitôt sorti, son petit malade, pour ne pas penser encore au malade qui suivra, qu’il va voir, mais après avoir ordonné la potion anodine habituelle, sans action quelconque : « Alcoolature d’aconit ; vi gouttes, dans un julep gommeux. »

Le lendemain, l’enfant est mieux ; c’est là une des ruses familières du diable, cherchant à faire croire à une indisposition naturelle de sa victime.

Mais voilà que tout à coup, maintenant, quelque chose apparaît à l’enfant, quelque chose qu’il voit, à n’en pas douter ; et ce quelque chose, c’est quelqu’un. Et ni l’enfant ne se trompe, ni il n’est halluciné. Ce n’est ni un spectre, ni un squelette, ni une bête affreuse ; c’est quelqu’un, une personne en chair et en os, comme vous et moi. Il la voit, assise à ses côtés, ou debout devant lui, le regardant avec pitié ou intérêt. Parfois, cette personne inconnue lui adresse la parole, doucement, sur un sujet banal, puis disparaît, laissant l’enfant étonné, mais non effrayé ni même inquiet. Puis, la personne revient. L’enfant s’y habitue peu à peu, et finit par l’appeler son bon ami, son camarade, suivant l’aspect que l’autre prend ou a pris.

Il n’en a encore rien dit à personne ; mais papa ou maman trouvent quelquefois, le soir en déshabillant l’enfant, dans ses poches, des objets, principalement des jouets, de provenance inexplicable. C’est le bon ami qui a donné cela à l’enfant. Et la maman le gronde d’avoir accepté des cadeaux, comme cela, d’un inconnu ; sans défiance elle-même, elle ajoute assez souvent : « Au moins lui as-tu dit merci, à ce monsieur ? »

Cependant, un jour, l’enfant revient au logis ; il a eu peur. Son ami lui