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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/920

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perdu, demanda, comme c’est l’usage, une consultation, afin de pouvoir se dire qu’elle n’avait rien négligé, qu’elle avait fait tout ce qu’il était humainement possible d’accomplir.

La consultation eut lieu, je m’en souviens comme si c’était d’hier ; et je vois encore la tête du célèbre médecin, ânonnant, balbutiant, ainsi qu’un écolier récitant une leçon qu’il ne sait pas, et incapable, absolument incapable de nous poser le diagnostic précis de la phthisie qu’il soignait depuis un an, incapable, j’y insiste, de dire, en parlant de ce malade qu’il auscultait ou faisait semblant d’ausculter tous les jours : « Ici, il y a telle lésion ; ici, telle autre. Nous sommes donc en présence de telle phase de l’évolution de la maladie. »

Voilà ce que sont, ou tout au moins ce que peuvent être, des médecins des hôpitaux et de l’École, dans une des plus grandes villes de France. N’est-ce pas épouvantable, cela ? Le médecin auquel je fais allusion vit encore, d’ailleurs, et est en pleine possession de la notoriété. Il se reconnaîtra bien dans cette anecdote, à moins que plusieurs ne s’y reconnaissent ; ce qui est encore possible, car ils sont comme cela légion en ladite ville et ailleurs.

Mais j’en reviens à ma méningite.

Cette maladie est donc de celles dont le nom seul épouvante les familles, qui savent très bien à quoi s’en tenir concernant son issue toujours fatale. Aussi, quelle surveillance minutieuse de l’enfant à ce point de vue ! La plus petite migraine, le plus léger malaise, vite on fait appeler le médecin ; et bien souvent celui-ci, pour se donner la gloire facile d’une guérison étonnante, laisse volontiers croire à l’existence de la méningite.

Ah ! si les parents veillaient avec le même soin sur le moral que sur le physique de leurs enfants, tout irait pour le mieux, et, dans bon nombre de cas, il serait préférable pour eux d’aller chercher le prêtre plutôt que le médecin. Mais le prêtre ? mais Dieu ? on n’y pense qu’au moment de la mort ! On cherche d’abord à sauver, quoi qu’il en coûte, le corps, et l’on ne s’occupe de sauver l’âme qu’en désespoir de cause et comme à tout hasard. Singulière façon d’agir, n’est-ce pas ? et vraiment inexplicable.

En résumé, la méningite, cette méningite tuberculeuse dont le malin praticien a prétendu avoir guéri l’enfant, n’était pas une méningite ; il y a eu erreur de diagnostic. Ou ce n’était rien, un simple malaise passager ; ou il y avait là quelque chose d’insoupçonné, et sur quoi il nous faut nous arrêter un instant.

Vous n’êtes pas sans avoir entendu prononcer ces deux mots : fièvre cérébrale. Combien de mamans ne disent-elles pas : « Figurez-vous, mon enfant vient d’avoir une fièvre cérébrale épouvantable ; heureusement,