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Page:Taxil - Confessions d'un ex-libre-penseur - 1887 - Letouzey et Ané - 6e édition.djvu/104

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barquement. Il s’agissait de revenir en partie sur nos pas et de fournir une quatrième traite, celle-ci de 38 kilomètres. Seulement beaucoup avaient trop présumé de leurs forces ; j’étais du nombre. J’avais beau avoir la meilleure volonté du monde ; à seize ans, on n’est guère solide, après de pareilles marches ; j’étais exténué.

Le matin, je pus encore aller ; mais, dès midi, mes jambes se refusèrent à me porter. Je m’assis, désespéré, sur le bord du chemin, et je dis adieu à mes camarades.

Il faisait une chaleur accablante ; le soleil brûlait ces montagnes d’Algérie, j’avais la bouche desséchée ; et pas une goutte de liquide quelconque pour étancher ma soif. Je me traînai comme je pus auprès d’un ravin ; j’apercevais au fond une petite flaque d’eau ; coûte que coûte, il me fallait y parvenir. J’y parvins, au prix de mille efforts, en me trainant sur les genoux. Spectacle hideux ! cette flaque, qui avait à peine un mètre de largeur, était remplie de crapauds. J’approchai néanmoins mes lèvres de cette onde malsaine et puante, et je bus. Mais, ne pouvant ensuite vaincre mon dégoût, je rejetai aussitôt la boisson infecte.