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Page:Tharaud - Dingley.djvu/51

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victorieuses du Mahdi, pour lui réciter d’interminables mélopées, en s’accompagnant sur une sorte de lyre à trois cordes. Il écrivait alors la célèbre histoire de ce maharajah élevé dans un collège d’Oxford, qui finit par s’apercevoir qu’il ne pourra jamais être heureux, car le bonheur des Européens lui reste toujours étranger et le bonheur des Hindous n’est plus pour lui. Il avait fait asseoir le griot sur une natte, et pendant des heures, tandis que le nègre, la tête ceinte d’un turban ensanglanté, psalmodiait des aventures de guerre ou d’amour, que dans la rue les vendeurs de citronnade criaient, que les âniers juraient en martelant de coups de matraque l’échine de leurs bêtes, il avait décrit la nostalgie du rajah à la recherche de son âme.

Aujourd’hui, il racontait les déboires de son voyou de l’East-End, et comment la chère Providence apparaissait à ce pâle cockney sous le sombre manteau d’un sergent recruteur, un soir, devant un réverbère de la place de Trafalgar, au pied de la colonne Nelson.