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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/196

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État. Il appartient à la femme d’être battue, pour son bien, à l’homme de battre, pour le bien commun, comme à l’athée d’être blessé et excommunié, à l’Église d’excommunier et de blesser. Qu’est-ce alors que M. Robert qui s’en vient remontrer, démontrer à Sganarelle qu’il n’a pas le droit de battre sa femme ? Parbleu, M. Robert c’est le libéral. Faites-lui sortir ses papiers : il arrive de Suisse, il s’est glissé par l’échancrure de Genève et de Coppet. Dès lors le ménage qui veut rester un ménage, l’État qui veut demeurer un État, le catholique et l’athée, bons archistes, se réconcilient pour tomber de leurs quatre bras sur l’intrus qui personnifie à lui seul les quatre États confédérés.

D’une façon plus générale, si nous restituons, par delà le sens vulgaire qu’il englobe de loin, au terme de « police » la plénitude originelle de son sens, nous pourrons dire que M. Maurras admire dans l’Église une police : ce qui défend le général contre le particulier, l’État contre l’individu, ce qui donne en même temps et par là l’être, la définition au particulier et à l’individu, ce qui exprime dans sa lumière et son intégrité l’ordre intellectuel et moral.

La belle et forte synthèse exposée par M. Maurras a semblé a des membres éminents du clergé susceptible de fournir à l’apologétique des éléments précieux. Peut-être pourrait-on la trouver partielle et partiale. M. Maurras serait d’ailleurs probablement le premier à en convenir, lui qui écrit : « Quelque étendue que l’on accorde au terme de gouvernement, en quelque sens extrême qu’on le reçoive, il sera toujours débordé par la plénitude du grand être moral auquel s’élève la pensée quand la bouche prononce le nom de l’Église de Rome. Elle est sans doute un gouvernement, elle est aussi mille autres choses… La règle extérieure n’épuise pas le concept du Catholicisme, et c’est lui qui passe infiniment cette règle[1]. » M. Maurras ajoute : « Sans consister toujours en une obédience, le Catholicisme est partout un ordre. C’est à la notion la plus générale de l’ordre que cette essence religieuse correspond pour ses admirateurs du dehors. » Alors, de ses admirateurs du dehors à ceux qui la connaissent et qui la vivent du dedans, le point de vue sur cette essence varierait singulièrement. L’ordre catholique n’est pas une fin, mais un moyen en vue d’une fin qui est le salut de l’âme individuelle. L’ordre catholique suppose des éléments chrétiens à ordonner, et la formule comtiste pourrait se répéter, à peine modifiée, comme formule catholique : L’amour de

  1. La Politique Religieuse, p. 382.