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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/34

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Les Athéniens n’avaient pas de maison royale et n’avaient plus d’aristocratie véritable, seuls moyens, estime M. Maurras, qui leur eussent, au temps de Démosthène, permis de prévoir et de prévenir les coups du Philippe Macédonien au lieu de les attendre pour chercher à les parer. M. Maurras a écrit, en 1902, vers le moment où parut Anthinea, un curieux article sur Un Nationaliste Athénien qui est Démosthène. La courbe d’histoire athénienne que je voulais rappeler au sujet de M. Maurras va de Socrate à Démosthène. Mais, laissant l’ordre des temps, je retiens d’abord cet article, (reproduit dans Quand les Français ne s’aimaient pas), qui me fournit, au seuil de cette étude, un belvédère commode.

Il paraphrase et commente un autre article, très plein et très vif, de M. Maurice Croiset, paru dans Minerva. Et comme M. Maurice Croiset semble y faire sous le nom de Démosthène le portrait de M. Maurras et comme il énonce en termes transparents un compendium de ses idées (ou plutôt comme les extraits de M. Maurras en retiennent ce compendium), on peut dire que M. Maurras n’a fait que reprendre un bien qu’il lui était si honorable de céder.

La discussion de M. Croiset porte sur le côté politique de ce beau problème que nous avons entrevu tout à l’heure, le débat entre l’atticisme strict et l'hellénisme large. Opposant la politique nationaliste de Démosthène au philippisme panhellénique d'Isocrate, il écrit : « La conception hellénique était chez les Grecs du Ve et du VIe siècle trop faible, trop intermittente, trop flottante et trop détendue en quelque sorte, pour produire régulièrement tous les effets du vrai patriotisme. Il eût été par suite extrêmement fâcheux que l’idée de la petite patrie se fondit trop vite dans celle de la grande sous l’influence d’un mouvement intellectuel d’origine restreinte. Une grande force morale eût été détruite sans être remplacée par une autre. » Et M. Maurras ajoute : « C'est ce qui se produisit malheureusement. Le panhellénisme était un thème de rhétorique, l’intérêt athénien une réalité : Isocrate et ses amis lâchaient la proie pour une ombre[1]. »

Ne discutons pas trop ici. Évidemment le panhellénisme tut un thème de rhétorique avant de devenir une réalité. Mais il devint cette réalité, qui achemine le génie d'Athènes à la consolidation romaine. Qu’Athènes y ait perdu ou même y ait péri, c'est l’une

Des faiblesses auxquelles nous devons la clarté.
  1. Quand les Français ne s'aimaient pas, p. 333.