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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/13

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Un proverbe dit : « L’occasion fait le larron. » C’était vrai en ce qui concernait Charlot, contrebassiste émérite, et le distingué violoniste Labémol. Ces deux virtuoses étaient aussi honnêtes que d’autres et n’auraient pas fracturé un tiroir-caisse pour s’emparer de son contenu. « Mais, pourquoi ne profiterions-nous pas de cette aubaine qui nous arrive si miraculeusement ? émit Labémol, — Tu as raison ! approuva Charlot. Du reste, le marasme des affaires, les recettes de famine que nous faisons, nous autorisent jusqu’à un certain point à empocher ces billets de mille. » À ce moment, un policier en civil mit la main sur l’épaule de Charlot : « Hum ! dit-il, voilà une fortune plutôt suspecte ! — C’est un héritage, fit Charlot. — De famille… » ajouta Labémol, Prompt comme l’éclair, Charlot saisit sa contrebasse et en coiffa le policier qui disparut presque entièrement dans le vaste pavillon de cuivre, Ceci pour protéger la retraite de Labémol porteur du magot.

Charlot prit la fuite à son tour. « J’ai quelques minutes seulement pour disparaitre avant que cet énergumène ait pu se dégager, se dit notre héros. Prendre le large est bien, me camoufler est mieux ! » Il entra dans un chantier de construction. Par bonheur, il n’y avait qu’un maçon et cet ouvrier dormait, Charlot en profita pour s’insérer dans un sac vide qui avait contenu du ciment. Du fond de cette cachette, il put narguer à son aise le policier : « Bien malin s’il me trouvé ici ! » marmonnait-il. Il commençait à s’assoupir : un grand coup de pied le fit sursauter, « Doucement ! » laissa-t-il échapper, au risque d’être découvert. Mais il ne fut pas entendu. Une voix forte et colère, celle de l’entrepreneur du chantier, vociférait : « Ce ciment est bien dur ! Il a dû être mouillé. Vous ne vous en servirez pas. — Non, patron ! » Recommandation superflue, car l’ouvrier n’avait pas l’intention de se servir de quoi que ce fût ce jour-là. Dès que son patron fut parti, il reprit son somme interrompu.

Charlot en profita pour changer de cachette, jugeant celle-ci peu sûre. Comme il n’en trouvait pas d’autre, il s’en construisit une. À l’aide de briques, il fit un pilastre creux dans lequel il se glissa. J’en sortirai quand la nuit sera venue, se dit-il. J’irai retrouver Labémol, Nous partagerons le magot. » Il en était là de ses rêves dorés quand la même voix forte et colère le fit tressaillir. C’était l’entrepreneur qui revenait à l’improviste et qui venait de trouver son ouvrier endormi. Après l’avoir secoué, il lui demandait, en lui désignant le pilastre ; « Pouvez-vous me dire ce que c’est que ça ? — Ça… balbutia le maçon, ça, patron… ça n’y était pas tout à l’heure… — Autrement dit, ce chantier est hanté, n’est-ce pas ? — Pourquoi pas, patron ? » À ce moment, Charlot fit voler en éclats sa cachette, dont les briques ne tenaient ensemble que par une mince couche de mortier. Et il s’enfuit, en criant aux deux hommes ahuris : Ne cherchez pas à comprendre !