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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/12

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Parmi les nombreux dons que la nature, a généreusement accordés à Charlot, il convient de mettre en première ligne celui de la musique. Qui ne l’a pas entendu souffler dans la contrebasse en cuivre ne peut se douter de ce qu’un pur artiste peut obtenir de délicat pour l’oreille, rien qu’en faisant : « Poum ! Poum ! » Eh bien, malgré les duos qu’il fait avec le violoniste Labémol, son co-équipier, dans les cours les plus aristocratiques, les affaires ne sont pas brillantes pour les deux musiciens. « C’est la crise ! soupire Charlot. — C’est la crise ! » approuve Labémol avec résignation. Et, quand il est l’heure de s’aller coucher, quand le concert finit faute d’auditeurs, le vieux racleur de violon conseille à Charlot : « Ne t’en fais pas ! Et, surtout, tâche de dormir. On prétend que, parfois, la fortune vient en dormant… Vois-tu que ça soit vrai ? » Rentré chez lui, en rangeant son instrument dans un porte-parapluies, Charlot se répète : « Demain, ça ira mieux ! »

Or, ce Soir-là, Charlot se coucha de bonne heure. Comme il faisait très chaud, il laissa sa fenêtre ouverte. Abandonnons le sympathique garçon à ses rêves de richesse et occupons-nous d’un individu peu recommandable surnommé « Graine de Cayenne ». Ce dangereux repris de justice, nous le surprenons au moment précis où il fracture le tiroir-caisse d’une importante crémerie, Nous ne sommes pas seuls à le surprendre. En effet, la crémière, sortant de son arrière-boutique, arrive juste à temps pour assister au cambriolage. Elle se met à hurler : « Au voleur ! Au voleur ! » C’est que le vol est d’importance. Il s’agit d’un gros paquet de billets de mille destinés à payer l’échéance du lendemain. Les cris de sa victime mettent en fuite le larron. Mais il ne part pas seul. Il emporte avec lui le magot ! Les cris de la commerçante : « Arrêtez-le ! » alertent un agent qui se met à la poursuite de « Graine de Cayenne » en vociférant : « Je t’arrête !… — Pas encore ! » répond le malfaiteur.

Ce dernier court plus vite que ceux qui le poursuivent, ce qui lui permet de prendre une sérieuse avance. Mais, comme il n’est pas sûr de ne pas être pris, il décide de se débarrasser momentanément des pièces à conviction. Justement, il passe devant la fenêtre ouverte du logement de Charlot. Il jette un coup d’œil à l’intérieur, voit le porte-parapluies, et y glisse les billets de mille en se disant : « Si je ne suis pas arrêté, je les reprendrai demain ! » Le lendemain matin, Charlot sortit son instrument du porte-parapluies et alla retrouver son co-équipier, le violoniste Labémol, pour de nouveaux duos dans les cours aristocratiques d’un des plus beaux quartiers de Paris. Mais Charlot ne parvenait pas à faire sortir le moindre « Poum ! Poum ! » de sa contrebasse. Que se passait-il ? Il se mit à souffler plus fort, à s’en rompre les veines du cou. Alors, du pavillon de l’instrument s’échappèrent les billets de mille de la crémière. « Je te l’avais bien dit que la fortune nous viendrait en dormant ! » s’écria joyeusement Labémol.