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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/15

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Charlot, monté sur sa trottinette alimentaire, menait un train d’enfer. Il convient de dire que la rue était en pente très rapide, ce qui fait qu’il n’avait qu’à se laisser porter. Mais il devait faire des prodiges d’équilibre, et cela c’était un jeu pour lui. Arrivé en bas de la côte, il dut freiner pour ne pas renverser un gentleman qui tenait sa gauche, en dépit du code de la route, « N’ayez donc pas peur, poltron ! » cria Charlot au piéton qui sursautait. Quelques instants plus tard, sûr d’avoir dépisté ceux qui le poursuivaient, notre héros déjeunait d’une tranche de fromage coupée dans la meule de gruyère qui servait de roue à sa trottinette. Il fut accosté par le gentleman. Celui-ci lui dit sans préambule : « Je cherche un chauffeur sachant chauffer. À votre façon remarquable de conduire cet engin ridicule, je me rends compte de ce que vous pourriez faire d’une auto grand sport. Avez-vous votre permis de conduire ? — Ma foi non ! — Eh bien, vous l’aurez : c’est moi qui vous l’offre ! Je payerai également les leçons que vous prendrez dans cette Auto-École. »

Charlot démonta sa trottinette, mit en sûreté ce qui restait de la meule de gruyère et suivit son futur patron. Celui-ci le mena dans une Auto-École modèle dont le directeur était un novateur toujours à l’affût du progrès. « Voyez, messieurs, expliqua-t-il à ces nouveaux clients, chez moi on apprend à conduire sans sortir de l’établissement, J’ai divisé mes vastes locaux en deux parties : la campagne et la ville. On y tronve tous les obstacles qui peuvent se présenter à l’automobiliste, soit sur les routes paysannes, soit dans les rues des villes les plus mouvementées ; tas de cailloux, arbres, becs de gaz, volailles, bestiaux, etc, etc. » Puis, s’adressant plus spécialement À Charlot, il lui commanda : « Montez dans cette voiture et mettez-en marche. Parfait ! À présent, promenez-vous à 12 à l’heure sur cette route campagnarde… Roulez en ligne droite, autant que possible ! Allons, bon ! voilà que vous écrasez un goret ! Il expire en laissant échapper tout l’air qu’il a dans le corps ! ne vous en faites pas pour le cochon : on le regonflera ! »

Nos sensibles lecteurs ont deviné que ce cochon était en baudruche extra-forte et gonflé au gaz hydrogène, Comme les petits ballons que les grands magasins donnent en prime. Le professeur dit encore à Charlot : « Cela ne va pas trop mal, encore que vous auriez pu éviter le tas de cailloux… Quittons la campagne et rentrons en ville, Nous y voila. Vous avez, sans aucun doute, entendu parler de la Marche arrière ? — Vaguement ! répondit Charlot. — Eh bien, reprit le moniteur, la marche arrière, c’est juste le contraire de la marche avant. Supposons donc que nous sommes arrêtés par cette « rue barrée ». Nous faisons marche arrière… comme ceci… mais un peu moins brutalement, nom d’un petit bonhomme ! » Charlot venait en effet d’envoyer sa voiture dans un réverbère. Celui-ci, sous le choc, se courba en deux, mais il se redressa aussitôt, obligeant la voiture à progresser en avant d’une façon si brutale que son capot entra dans la dévanture d’une boulangerie. Accident sans gravité, du reste. Car le réverbère était en caoutchouc, et les boutiques qui bordaient cette singulière rue étaient des toiles peintes. Heureusement pour Charlot !