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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/18

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Cette promenade dans la guimbarde modèle 1895 fut la première et la dernière. Remorquée par une puissante aérodynamique, cette ruine perdit successivement une roue, puis l’autre, la boîte de vitesse, le capot. Quand elle ne fut plus qu’un tas de pièces détachées, Charlot et son patron l’abandonnèrent sur à route et chacun s’en fut de son côté. Nous retrouvons Charlot au volant d’une voiture-bébé à usage de taxi-monoplace. Depuis deux heures qu’il était en possession de ce joujou, pas un client ne s’était présenté. Tout à coup, il entendit héler : « Hep ! chauffeur, vous êtes libre ? » Cette question lui était posée par une personne si volumineuse que Charlot hésitait à ré- pondre par l’affirmative. La nécessité de ne pas manquer cette première course lui fit accepter cette cliente encombrante. Par exemple, bien qu’il l’y aidât de la voix et du geste, ce ne fut pas chose commode que de lui faire prendre place dans la voiture. « Y a pas moyen ! disait la dame, — Quel métier ! ronchonnait Charlot. — Tu feras deux voyages ! » conseillait ironiquement un soldat farceur.

Enfin, la cliente réussit à se caser. Mais quand Charlot voulut prendre place à côté d’elle sur le siège, il se rendit compte de la difficulté de l’entreprise. « Décidément, ça ne pourra pas aller ! Il vaudrait mieux que vous descendiez… proposa Charlot. — Pourquoi ? répondit la grosse dame, Moi, je suis très bien… vous n’avez qu’à vous faire tout petit. » Charlot parvint enfin à se caser, lui aussi, et mit en marche. S’il souffrait, la petite voiture souffrait plus encore que lui. Penchant fortement du côté de la cliente, elle ne marchait que sur deux roues. Inquiet sur le sort de ses essieux, Charlot demanda encore à la dame : « Vraiment, vous vous trouvez si bien que cela dans ma voiture ? Vous ne préféreriez pas un camion de transports sur route, dans les 12 ou 15 tonnes ? — Non, mon garçon ! Inutile d’insister ! Vous m’avez chargée, vous me conduirez ! — Ça va ! » fit Charlot pour couper court, Mais il arrêta sa voiture devant un Institut de beauté qui affichait sa prétention d’amaigrir en deux heures les personnes trop grasses, Charlot descendit de son siège et dit : « Madame, nous sommes arrivés.

— Hein ! Ce n’est pas ici que je vous ai dit d’aller ! — Je le sais. Mais, je ne saurais trop vous conseiller d’essayer cette cure d’amaigrissement. Deux petites heures, c’est vite passé ! Après, quand vous ne pèserez plus que la moitié de votre poids actuel, ça gazera et nous rattraperons le temps perdu ! » Au cours de ce discours, la cliente était passée par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Quand Charlot se tut, elle était cramoisie de colère. « En voilà un insolent ! s’écria-t-elle. C’est jaloux parce que c’est plus sec qu’un hareng saur ! — Un hareng saur vaut bien un pachyderme ! » riposta Charlot. Il voulut obliger la grosse dame à descendre de la voiture : ce fut lui qui dut quitter la place. Jeté sur la chaussée, il vit sa voiture-bébé démarrer. « Le pachyderme a son permis de conduire », fui cria ironiquement la cliente. Charlot courut après en clamant : « Arrêtez-la ! Arrêtez-la ! » Tout à coup, il s’arrêta, sourit et dit : « Qu’elle aille au diable ! À présent, s’il y a des ennuis à voir avec le propriétaire de ce taxi que j’avais trouvé en station au coin d’une, ce sera elle qui les aura ! »