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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/24

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Installé bien malgré lui au poste de pilotage, du Pou Volant, Charlot n’en menait pas large. « Je ne suis pas pilote ! larmoyait-il. Je ne sais pas du tout comment on fait marcher ces machins-là ! — Bah ! C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! » répondit l’inventeur du petit avion de tourisme. En même temps, il faisait signe au nègre herculéen qui lui servait de second de mettre l’hélice en marche. « Adieu ! clama Charlot, d’une voix si forte que le vrombissement du moteur ne parvenait pas à la couvrir. Adieu, homme sans cœur ! Si je suis, par ta faute, victime d’un accident, que ma mort retombe sur ta tête. sur ta tête à poux… À poux volants ! » L’avion n’attendait que la fin de ce discours pour se mettre en marche ; le nègre ayant enlevé les cales. Le Pou Volant commença de rouler sur le sol uni de la grande cour qui continuait le hangar. L’ingénieur et son aide de couleur, figés sur place par l’anxiété, se demandaient ce qu’il allait faire. Tout à coup, l’ingénieur se mit à crier :

« Succès ! Succès ! Il a décollé ! » C’était vrai. Se rendant compte que son rôle n’était pas de ramper sur le sol comme une vulgaire automobile, le vaillant Pou Volant avait bondi et, dédaignant l’appui terrestre, il se mouvait dans l’espace. À vrai dire, c’était du rase-motte qu’il taisait, car il n’arrivait pas à s’élever plus haut que dix centimètres. Nul doute qu’en des mains plus expertes il ne se fût comporté plus brillamment, Mais piloté par Charlot, novice en cet art, il ne pouvait faire mieux. Il n’y aurait eu que demi-mal si la cour n’avait pas été entourée d’un haut mur. Charlot, étant incapable de manœuvrer les différentes commandes, envoya son avion contre ce mur. Ce fut la fin de la brève carrière du Pou Volant. Il se brisa comme verre. Le train d’atterrissage s’en alla rouler d’un côté, le plan de dérive s’envola, les ailes également. Voyant cela, Charlot ne voulut pas être en reste. Puissamment aidé, du reste, par la vitesse acquise, il fut projeté hors de la carlingue, franchit le mur, fila dans les airs à cinquante à l’heure et ne s’arrêta que lorsqu’il trouva un banc pour s’asseoir.

À vrai dire, ce banc si bizarrement perché à 25 mètres de hauteur n’était pas un banc. C’était le plan supérieur du Pou Volant qui s’était posé sur le sommet du toit d’un édifice. Sous le poids de Charlot, ce plan fait de toile tendue sur des lattes de bois se replia en deux. Le pilote malchanceux évita ce peu l’empalement, Il se tint comme il put sur cet incommode perchoir, juste le temps de se fabriquer un parachute avec son mouchoir et de la ficelle. Parachute dérisoire qui ne lui fut, dans la chute volontaire qui suivit, que d’un secours moral, en lui donnant l’illusion qu’il était soutenu. Donc, Charlot s’était bravement lancé dans le vide, cherchant de l’œil un endroit propice à l’atterrissage. La Providence vint à son aide et le fit choir le plus doucement possible dans la carlingue d’un avion d’une école de pilotage. « Un élève qui nous tombe du ciel ! » s’écrièrent en chœur les deux moniteurs de cette école. Ce fut ainsi que Charlot débuta dans l’aviation.