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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/23

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Chez le coiffeur, Charlot attendait son tour qui tardait à venir, en lisant les journaux. Il avait pour voisin de chaise un client à la chevelure si fournie qu’elle ressemblait à la crinière d’un lion adulte. Cet homme, en attendant que le coiffeur voulût bien élaguer un peu son opulente tignasse, s’était assoupi sur le livre qu’il lisait. Et, pour dormir plus à l’aise, il avait pris l’épaule de Charlot comme oreiller. Charlot le laissait faire, mais il n’était pas sans inquiétude : car, tout en dormant, ce voisin sans gêne se grattait furieusement la tête. Charlot finit par le réveiller pour lui demander : « Qu’avez-vous à vous gratter comme ça ? — Ce sont les poux ! » répondit l’interpellé. Aussitôt, Charlot fit un bond en arrière qui le transporta quatre mètres plus loin. « Si vous avez des poux, passez au large ! rugit-il. Je n’ai pas envie d’en attraper ! À votre âge, vous devriez avoir honte ! Et puis, tenez… je vais vous débarrasser de vos insectes en un tournemain ! »

Charlot empoigna le personnage. Encore à demi endormi, celui-ci n’opposa qu’une dérisoire résistance. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il était déposé dans un fauteuil, enveloppé du peignoir spécial aux coupées de cheveux et tondu comme il ne l’avait plus été depuis le temps lointain où il était jeune soldat. « Que dites-vous de cela ? demanda Charlot en tendant la glace. — Hum ! un peu courts ! » continua le tondu. Mais il ajouta aussitôt : « Et puis, c’est très bien ainsi : j’aurai les idées plus nettes ! » Il paya la coupe au patron mécontent, comme si c’était lui qui l’eût faite, et, prenant Charlot sous son bras, il l’emmena d’autorité. Chemin faisant, il lui dit : « Vous me plaisez, jeune homme, par votre esprit de décision. J’ai besoin d’un garçon dans votre genre pour expérimenter les poux que je fabrique moi-même et qui ne sont pas du tout ce que vous pensez. Les miens ont des ailes c’est vous dire qu’ils volent, ou plutôt qu’ils voleront. Mais… voici leur cage ! Nous arrivons. Donnez-vous la peine d’entrer. »

La porte ouverte, Charlot se trouva dans un hangar donnant sur un vaste terrain vague. Dans ce hangar, deux avions minuscules semblaient attendre l’ordre de s’envoler. Le tondu les présenta à Charlot. « Voilà, dit-il, mon Pou Volant. Je l’ai conçu pour concurrencer le petit avion de tourisme qu’un ingénieur a lancé sur la place sous le nom de Pou du Ciel. Sur le papier, il est parfait. Mais, dame ! les essais ménagent parfois des surprises !… Aussi, ai-je compté sur vous pour ces essais. Veuillez prendre place dans la carlingue… — Mais, riposta Charlot, je ne suis pas aviateur ! Pourquoi ne l’essayez-vous pas vous-même ? — Parce que, mon petit ami, je n’ai pas envie de me casser la figure… — Moi non plus ! Au revoir ! Veuillez m’indiquer la sortie. » Charlot faisait déjà demi-tour. À ce moment, sortit de la carlingue du Pou Volant, comme un diable sort d’une boite, un grand diable de nègre, fort comme un Turc. « Toi, obéir ! » commanda-t-il à Charlot, en l’installant de force au poste de pilotage.