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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/27

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Charlot ne pouvait rester sur cet échec. Du reste, l’École de Pilotage avait obtenu aussitôt, d’un généreux mécène, le don gracieux d’un nouvel appareil, destiné à remplacer celui qui avait été cassé, du fait d’un atterrissage un peu brusque. Charlot reprit donc ses leçons. Bientôt, l’acrobatie en plein ciel n’eut pas plus de secrets pour lui l’acrobatie terrestre. Et le brevet de pilote d’avion lui fut remis au cours d’une cérémonie intime mais non sans grandeur. Il le reçut des mains de son moniteur. Aussitôt qu’il eut cette pièce officielle en sa possession, Charlot s’empressa d’aller trouver l’inventeur du Pou-Volant, afin de se mettre à sa disposition. « Le Pou-Volant n’est plus ! lui dit le savant. Je le remplace par un appareil minuscule que j’appelle le Crapaud-Volant. Spécialement étudié pour voler en rase-motte, il passe partout, saute les obstacles, est sobre d’essence comme en dromadaire l’est d’eau. Bref, il possède toutes sortes de qualités dont vous vous rendrez compte par vous-même, puisque je me fie à vous pour le mener à la victoire ! »

Charlot ne pouvait qu’accepter cette proposition flatteuse, susceptible de le conduire à la gloire, ainsi qu’à la fortune. Sa mission consistait à aller le plus loin possible avec l’essence emportée au départ. Il lui était absolument interdit d’acheter du carburant eu cours de route. Donc, par une belle matinée d’été Charlot s’installa dans la carlingue du Crapaud-Volant. Au coup de pistolet de l’inventeur, il manœuvra les commandes. Et le petit avion docile quitta la terre aussitôt et survola la ville, puis la campagne. Le moteur montra bien vite des signes de défaillance « C’était à prévoir ! grogna Charlot. Avec vingt-cinq litres d’essence dans le réservoir et dix gouttes dans mon briquet de poche, on ne saurait aller loin ! Joli record, ma foi ! » Tout à coup le Crapaud-Volant s’immobilisa sur le dos d’une vache qui broutait l’herbe d’un pré.

Dérangé dans ses fonctions masticatoires, le bovidé se mit à ruer comme un pur sang, pour se débarrasser de l’intrus. Ce simple geste eut pour effet de remettre l’hélice en marche. « Merci, pour le coup de main ! » dit Charlot, bien qu’il s’agit plutôt d’un coup de pied. Ce n’était que reculer pour mieux sauter. Bientôt, l’avion s’installait sur le toit d’un gros camion et refusait nettement de poursuivre sa route par ses propres moyens. Le conducteur du camion ne s’était aperçu de rien et continuait son chemin à 60 à l’heure. « Ça c’est une chance ! se dit Charlot. Il va justement dans la même direction que moi ! » Et il ajouta, en voyant que le camion était plein de bidons d’essence : « Et ça, c’en est une autre ! Car, s’il m’est défendu d’acheter du carburant en cours de route, rien ne s’oppose à ce que je m’en procure par ruse ! » Charlot remplit son réservoir, par ce moyen déloyal, certes, mais tout à l’honneur de son initiative. Quelques minutes plus tard, le Crapaud-Volant reprenait sa course aérienne. « Que d’eau ! Que d’eau ! » s’écria tout à coup Charlot en voyant qu’il survolait la mer et se dirigeait vers le large.