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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/29

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Charlot a beau être philosophe, il prenait difficilement son parti de l’aventure extraordinaire qu’il vivait. « J’ai le cafard ! » déclarait-il à qui voulait l’entendre. Malheureusement pour lui, comme il n’était pas devant le micro et qu’il se trouvait à cent kilomètres de toute côte, personne ne l’entendit. « Ça m’est égal ! fit-il. Je vais toujours prendre mes dispositions pour m’installer le plus confortablement possible. Voyons… Ma chambre à coucher sera, naturellement, la carlingue du Crapaud-Volant. Pour le reste, j’ai à ma disposition tout cet îlot sorti des flots. Il m’appartient. Je le baptiserai : Île Charlot. Le palmier me donnera ses dattes, ce figuier de Barbarie ses fruits. Ici, je planterai des pommes de terre, je sèmerai du blé ; ailleurs. » Il s’arrêta brusquement d’édifier ces projets d’avenir en apercevant un filet de fumée qui s’échappait du sommet du palmier. Et, presque en même temps, un énergique : « Haut les mains ! » le fit sursauter.

Charlot s’étant retourné, se trouva nez à nez avec un personnage sorti du sous-sol de l’île qu’il croyait déserte, Cet énergumène portait une casquette et une vareuse de marin copieusement galonnées. « Que fais-tu chez moi ? rugit-il. — Ben… vous le voyez… je me promène ! balbutia Charlot, plu- tôt désemparé, — Ah ! tu te promènes ? Ne sais-tu pas que cette île m’appartient ? — Première nouvelle ! — Personne ne peut m’en contester la propriété puisque je puis, à volonté, la faire sortir des flots ou l’y précipiter, et la transporter d’un hémisphère à l’autre. Simple question d’essence, d’ailleurs ! »… « Ah ! ah ! pensa Charlot aussitôt, cette question d’essence m’intéresse également ! » Car il avait enfin vu où il se trouvait. En zinc, le palmier et le figuier de Barbarie ! En acier, le sol de cette île, ou plutôt de ce sous-marin ! Un sous-marin avait émergé des flots juste pour le secourir. Hasard heureux ? Peut-être ! Au coup de sifflet du marin galonné, trois matelots sortirent de la coque et bondirent sur Charlot que leur désignait le maître du bord :

« Emparez-vous de cet homme et jetez-le à fond de cale ! ordonna celui-ci. Il pourra ainsi méditer à loisir sur le sort qui attend les mortels assez audacieux pour venir troubler la solitude d’un homme aigri qui a renoncé à la société des humains. — Cause toujours ! murmura joyeusement Charlot en arrivant à fond de cale, un peu brutalement. Il constatait qu’une pompe à essence se trouvait là, munie d’un très long tuyau de caoutchouc. « Veine ! s’écria-t-il, je tombe sur ce que je cherche ! » L’arrivée des trois matelots lui conseilla la prudence. Voyant qu’il avait affaire à des brutes, il leur demanda d’abord s’ils venaient pour le garder. Sur leur réponse affirmative, il leur proposa ceci : « Il y a dans la carlingue de mon avion une bouteille de vieux rhum. Quand votre patron fera la sieste, allez la chercher, nous la boirons ensemble.