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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/31

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Charlot avait vu sans regret disparaître sous les flots l’île sous-marine qui, en réalité, était un vulgaire sous-marin aménagé de cette façon pittoresque. Il ne tenait pas à encourir les reproches, et peut-être les représailles de celui à qui il venait de dérober quelques centaines de litres d’essence pour pouvoir continuer sa route. Au bout de quelques heures, le moteur du Crapaud-Volant se mit à montrer des signes de défaillance. Il avait de nouveau soif. Fort heureusement pour Charlot, un îlot était là. Il y atterrit. « Où suis-je ? » se demanda-t-il, en cueillant machinalement un de ces bambous dont le sol était couvert, et que l’on appelle judicieusement des cannacharlots. Cette terre minuscule, perdue en plein océan, ne semblait pas devoir offrir beaucoup de ressources à l’homme obligé d’y vivre. « Ce qui sera mon cas, si je ne trouve pas à me ravitailler en essence ! » ronchonna Charlot. Tout à coup, il poussa un cri d’épouvante. « Un serpent ! » Mais il s’écria aussitôt après : « Tant mieux.

L’île n’est donc pas tout à fait déserte. » Pourtant, à la réflexion, il se dit qu’un serpent ne saurait être une compagnie agréable pour un homme. « Je vais le tuer », décréta-t-il en saisissant le reptile avec un courage d’autant plus méritoire, que personne n’était à pour admirer sa bravoure. À grands coups de cannacharlot, il infligea au serpent une correction soignée, s’écriant après chaque coup : « Morte ta bête, morte le venin ! » Ce qui n’a jamais vécu ne saurait mourir. Tel était le cas de ce tuyau de caoutchouc, muni d’une lance d’arrosage en cuivre, que Charlot s’obstinait à prendre pour un ophidien du genre boa constrictor. Quand il s’aperçut de sa méprise, il daigna en rire. Il était d’autant plus joyeux de sa trouvaille, que cet ustensile de la vie civilisée, échoué dans ce lieu sauvage, dégageait un parfum bien caractéristique, propre à flatter agréablement l’odorat d’un aviateur toujours à la recherche du précieux carburant. Ayant poussé un peu plus loin ses investigations, Charlot se trouva face à face avec le monstre. De ce monstre, tapi dans les hautes herbes, seule la tête était visible, une tête affreuse, au nez boursouflé, aux oreilles énormes, à la peau verdâtre tout hérissée de piquants et surmontée d’une paire de cornes.

« Quel est cet animal ? Et que me veut-il ? » tonna Charlot, dans l’intention d’intimider le monstre. Celui-ci n’ayant pas bougé, notre héros se précipita Sur lui, le saisit par les cornes, et… et il n’eut plus en mains que deux pioches de terrassier d’usage courant chez les peuples civilisés, le reste du monstre étant constitué par un inoffensif figuier de Barbarie. « Hum !… se dit Charlot, la présence de ces outils n’est certainement pas due au seul hasard. Ils ont leur utilité, mais laquelle ? » Machinalement, il donna un coup de pioche. Aussitôt, du sol jaillit une source. Ce n’était pas de l’eau, ni du vin, ni de la limonade, ni du vermouth, ni de la bière, ni de quoi que ce soit qui se boit. « Tiens… en serait-ce ! » se demanda Charlot. C’en était ! Qu’était-ce donc ? De l’essence, parbleu, de cette excellente essence indispensable au pauvre aviateur pour continuer son raid.